Cette Mayennaise prend soin
des paysages du Chasseral

Née en France, la quadragénaire s'est imprégnée des reliefs du Parc Chasseral comme 
une vigne du lac de Bienne se nourrit du terroir de ses rives. Elle en fait désormais figure d'ambassadrice.
24 août 2024 Isabelle Chappatte
Géraldine Guesdon
© Nicolas de Neve

«Le paysage n’est pas qu’un joli panorama», prévient d’emblée Géraldine Guesdon devant les photographies qui jalonnent l’allée du CIP (Centre interrégional de perfectionnement) de Tramelan (BE). Les images de son amie, l’artiste bernoise Monika Flückiger, illustrent les mutations intervenues au fil du temps sur différents sites de la région.

«Le paysage nous façonne autant que nous le façonnons, assure la chargée de mission patrimoine bâti et paysage au Parc naturel régional Chasseral. Les véritables enjeux se situent là où le quotidien apporte du changement.» C’est la thématique de cette exposition et du Congrès suisse du paysage, qui se tiendra les 5 et 6 septembre au CIP. La quadragénaire en est la cheville ouvrière pour le parc, institution hôte avec la Haute école spécialisée bernoise.

Loin des yeux…

Il en faut peu pour lancer Géraldine Guesdon sur le sujet. Pourtant, ses origines et ses inclinations auraient pu la conduire bien loin de la région qu’elle défend aujourd’hui. Née en Mayenne, dans l’ouest de la France, elle passe ses jeunes années dans une maison isolée à la campagne. Avec le recul, elle y voit l’ancrage de son lien avec la nature et le cycle des saisons.

«Je rêvais de devenir exploratrice, se souvient-elle. Travailler pour un parc naturel, c’est un peu être un explorateur des temps modernes. On part à la découverte des caractéristiques d’une région et de l’image que sa population s’en fait.»

À présent, la région fait partie de mon identité. Je continue
à la parcourir dans tous les sens et je ne m’en lasse pas.

Elle déménage à Paris à l’âge de 10 ans, suivra un cursus en sociologie et anthropologie, et mènera des projets en Afrique et au Moyen-Orient. «J’aime observer le fonctionnement des sociétés, les différences culturelles», révèle la Valanginoise (NE) d’adoption. La jeune femme s’oriente ensuite dans l’urbanisme, puis suit son mari en Suisse pour des raisons professionnelles, ainsi que dans différents pays d’Asie, avant de revenir s’établir près de Berne.

Son envie d’une carrière plus connectée à la nature la conduit sur les bancs de la Haute école bernoise pour décrocher un master en agronomie. Entre-temps, quatre petites têtes blondes ont agrandi son foyer. «J’ai reconstruit ma vie ici. À présent, j’ai la double nationalité, et une double culture.»

… près du cœur

Il y a onze ans, Géraldine Guesdon a intégré le Parc Chasseral. «J’ai passé énormément de temps sur le terrain. J’ai peu à peu rencontré les différents partenaires. Et puis, l’équipe du parc a contribué à m’introniser, si l’on peut dire.» Elle apprécie l’authenticité qu’a su conserver ce territoire. «Il n’est pas spectaculaire, ses qualités se découvrent avec les saisons. C’est une région qui se mérite et demande qu’on y consacre du temps. Le fort attachement que la majorité des gens d’ici ont pour leur coin de pays est marquant.»

Donner un cadre à ses activités au sein du parc demande également d’arrêter une définition du paysage. «C’est un sujet difficile, car émotionnel, relève la déléguée. Il y a la dimension géomorphologique, mais aussi le paysage vécu, c’est-à-dire fonctionnel, ainsi que le paysage ressenti, la perception qu’on en a de façon individuelle ou collective.

Ce qui change le plus est le paysage du quotidien, celui qui influence notre cadre de vie, que ce soit l’entrée d’un village ou une nouvelle route. L’idée n’est pas de mettre sous cloche ou de porter un jugement sur ces évolutions, mais de s’interroger sur ce que l’on souhaite préserver. Et c’est ce qui ouvre la voie à des projets.»

Bourreau de travail

Passer de l’idée au concept, l’ajuster en vue d’une recherche de fonds, arrêter des mesures et les réaliser, tout cela demande du temps et des qualités d’adaptation. Là réside le sel du métier, à l’image du travail effectué sur les franges urbaines dans le Val-de-Ruz ou autour de la réhabilitation d’anciennes citernes de pâturage.

«Ces interventions n’ont pas seulement une vocation esthétique, elles sont aussi utiles, s’enflamme la collaboratrice du parc. On se sert de l’ancien pour lui redonner une fonction actuelle, en lien ici avec la gestion de l’eau.» Dernier défi en date, l’organisation du Congrès suisse du paysage, dont le programme affiche 23 excursions. «Car cette thématique se vit sur le terrain», assure la dynamique chargée de mission.

Chantier salvateur

Son énergie impressionne Monika Flückiger, rencontrée pour le travail et devenue une amie: «Géraldine est quelqu’un qui ne se contente pas d’avoir des idées, souligne la photographe. Elle les concrétise.» Géraldine Guesdon avoue que la passion professionnelle peut comporter le travers de la chronophagie. Mais elle trouve néanmoins du temps pour sa famille.

Elle s’enthousiasme pour la culture en compagnie de sa complice bernoise et aime soigner son jardin. Cette hyperactive parvient même à se consacrer à la remise en état d’une «ruine» en Ardèche. «Cet endroit m’a fait un effet waouh, dit-elle dans un frisson.

Restaurer ce grand bâtiment inhabité depuis trente ans m’apporte un équilibre et maintient le lien avec mon pays d’origine, que je tiens à transmettre à mes enfants.» Elle foisonne d’idées. Et tant que son métier lui permettra de rebondir sur ce qui se passe, elle l’exercera avec ardeur…

Son univers

UN LIVRE

Le récit «Les sources»
de Marie-Hélène Lafon évoque le lien
à la terre et la volonté de transmission contrariée. J’ai été très touchée.

UN OBJET

J’aime beaucoup la sculpture et en particulier «Les insouciantes» 
de Marie-Madeleine Vitrolles.

UN LIEU

Je me ressource dans mon jardin secret en Ardèche.

UNE MUSIQUE

La chanson «Women»
de John Lennon fait rejaillir des souvenirs, quand mes parents écoutaient les Beatles.

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