Elle garde son car postal «au pied» dans les lacets du val d'Anniviers
Ce matin, Christelle Bonnard a quitté Vissoie (VS) quinze minutes plus tôt que d’habitude en raison du bulletin météo qui annonçait de la neige. Finalement, le chaînage du car ne s’est pas révélé nécessaire, les flocons ayant simplement blanchi le paysage.
À 6h15, la conductrice démarre donc de Chandolin (VS) sans encombre, avec sa tenue à l’effigie de l’entreprise CarPostal. Lorsque nous retrouvons la conductrice plus tard dans la matinée à Vissoie, quelques vacanciers montent à bord du véhicule pour aller profiter des pistes.
Des camions aux cars
D’où vient l’intérêt de Christelle Bonnard pour les véhicules lourds? La conductrice ignore le déclencheur de son engouement pour les camions qu’elle se souvient avoir toujours regardés. Enfant, elle connaissait les marques des véhicules, tandis que son entourage n’y prêtait guère attention. Lorsque le temps vint de choisir un apprentissage, la Valaisanne envisagea donc de s’orienter vers celui de conductrice de véhicules lourds. Elle s’en ouvrit à sa maman, mais n’osa pas en parler à son papa. «Finalement, raconte la professionnelle, il était tout content que je trouve une voie qui me plaise!»
À 15 ans, Christelle Bonnard commence donc son CFC et maîtrise les bases de la conduite d’un poids lourd avant de passer son permis voiture. Une fois son diplôme en poche, Christelle Bonnard est embauchée par l’entreprise de transport au sein de laquelle elle a effectué son apprentissage. Son activité de conductrice est variée, mais c’est surtout sur les chantiers qu’elle se déplace.
Cependant, une blessure grave à un doigt l’empêche de poursuivre cette activité: «C’est un métier physique. Il faut arrimer des machines, déplacer du matériel, ça demande de la force et je ne voulais pas demander aux hommes de le faire pour moi, je voulais réaliser toutes les tâches du métier». À l’assurance à cause de sa blessure, Christelle Bonnard passe le permis pour conduire des cars: elle est immédiatement recrutée par la société Transports Sierre-Anniviers-Régions qui travaille pour CarPostal.
Son univers
Un plat
«Des pâtes à la bolognaise. C’est simple et ça plaît à toute la famille.»
Un genre de film
«Les longs métrages historiques de guerre, car ils abordent un sujet qui m’intéresse beaucoup.»
Un véhicule
«Un car postal Saurer de 1941. Mon mari en a restauré un et nous proposons des courses sur réservation.»
Un lieu
«Les alentours de l’hôtel Weisshorn. Les sentiers y sont magnifiques.»
Une vie d’entrepreneuse
À l’aise au volant, la conductrice expérimente à bord des cars postaux le contact avec les passagers et les passagères: «Dans le val d’Anniviers, détaille Christelle Bonnard, les gens sont sympas et discutent volontiers.» Les horaires sont aussi pratiques pour concilier emploi et vie de famille, ce qui n’était pas le cas dans son précédent emploi. «Dans le transport pour les chantiers, on sait quand on part, mais pas forcément quand on rentre. Si on ne peut pas déposer immédiatement ce que l’on transporte, on doit attendre sans savoir vraiment à quelle heure on pourra repartir.»
Et pour découvrir de nouvelles perspectives, la Valaisanne reprend en 2020 la société Transports Sierre-Anniviers-Régions, qui compte actuellement 35 employés. Elle est ainsi considérée comme «entrepreneur CarPostal pour la région de Sierre, Vercorin et le val d’Anniviers». Une fonction qui l’amène notamment à gérer des navettes ou les transports publics lors de grands événements tels que la course Sierre- Zinal. «Mes tâches au sein de l’entreprise sont très diversifiées. Je réalise les plannings des conducteurs, je m’occupe du lien avec les offices de tourisme ou les écoles, ainsi que de tout ce qui a trait aux ressources humaines. Je communique aussi avec CarPostal, à qui je fais remonter des informations de terrain.»
Du jaune dans le paysage
Lorsqu’il s’agit d’embaucher des conducteurs ou des conductrices au sein de l’entreprise, Christelle Bonnard n’affronte pas de problème de pénurie de candidatures dans cette région. «Les cars postaux font partie du paysage du val d’Anniviers, affirme fièrement l’entrepreneuse. On reçoit des offres spontanées, conduire sur ces routes escarpées est prestigieux!»
Néanmoins, la déclivité des routes de montagne nécessite de nouvelles habitudes pour certains conducteurs ou conductrices issus d’autres terrains.
Les cars postaux font partie du paysage du val d’Anniviers. Conduire sur ces routes escarpées est prestigieux!
«De toute la descente, explique l’experte, je ne touche que très peu aux freins, j’actionne surtout le ralentisseur, système qui agit directement sur la boîte de vitesses pour faire ralentir le véhicule. Sans cela, les plaquettes de frein ne tiendraient pas! En revanche, dans les épingles, je souhaite avoir «le car au pied», je le maîtrise avec la pédale de frein.»
Do dièse, mi, la
Et à l’approche d’un tunnel étroit, c’est de la pédale du klaxon que la conductrice joue: les trois tons – do dièse; mi; la – retentissent de sorte à avertir les autres usagers de la route de la présence du car. Ce métier exige également un certain calme. Christelle Bonnard l’incarne et cherche à illustrer cette attitude: «Si on s’énerve à cause d’une voiture, du trafic, de la météo ou d’une personne, on ne s’en sort pas. Beaucoup de choses ne dépendent pas de nous sur la route, il est nécessaire dans ce métier de relativiser certaines des situations vécues.»
Pour sa dernière descente de la journée, Christelle Bonnard embarque de tout jeunes passagers dans le cadre du transport scolaire qu’assure CarPostal. Une fois à Niouc, la petite équipe descend: «Au revoir les champions, bon appétit», les salue la conductrice. À la gare de Sierre, nous quittons le bus et laissons la Valaisanne, appréciée des habitués, repartir pour son dernier trajet en direction de Chandolin.
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