Elle partage son quotidien entre la défense de
la profession et ses bêtes

La cheffe d'exploitation de 43 ans,
qui élève avec son mari des vaches allaitantes à Ollon (VD), dirigera dès 
le mois d'août Agora, l'organisation 
faîtière de l'agriculture romande.
26 avril 2025 Céline Duruz
© Mathieu Rod

À peine est-elle sortie d’une séance qu’elle nous rejoint dans une salle de conférences de la Maison du Paysan, à Lausanne. Elle en connaît tous les méandres, nous proposant un café à la volée, d’une voix douce. Alexandra Cropt travaille depuis sept ans pour Agora, l’organisation faîtière de l’agriculture romande. Elle s’apprête à en devenir la directrice, succédant à Loïc Bardet cet été. Ce sera la première fois qu’une femme accède à ce poste en cent quarante-
quatre ans d’existence de l’institution romande.

La Vaudoise ne compte pas en faire un fromage pour autant, même si elle tient à souligner que la question féminine est importante à ses yeux. «Chacun doit être libre de faire ce qu’il veut, estime la quadragénaire. La question de la femme dans le milieu agricole est importante, comme la reconnaissance de celui ou celle qui reste au foyer.»

Près des réalités de la terre

Maman de deux enfants, elle se réjouit de pouvoir compter sur son mari, agriculteur également, pour trouver un équilibre à la fois familial et professionnel. «Ce poste de directrice était une opportunité que je ne voulais pas rater, mais avant de postuler, j’ai considéré la situation avec mon époux et mes collègues, précise-t-elle en toute franchise. Je ne voulais froisser personne.» Forte d’un large soutien, elle savoure les quelques mois qu’il lui reste à travailler à 60%, avant de consacrer un jour de plus par semaine à son job, lorsqu’elle prendra la tête de l’institution en août.

Vu son agenda, on comprend aussi que cette décision n’a pas été prise à la légère. Le quotidien d’Alexandra Cropt est en effet bien rempli. Quand elle n’est pas à son bureau ou sur les routes pour rencontrer ses homologues, elle travaille avec son mari au sein de leur exploitation à Ollon (VD).

Une fourche à la main ou lorsqu’elle clôture les prés, la paysanne réfléchit beaucoup. Elle l’avoue volontiers: c’est les pieds dans la paille qu’elle trouve des solutions à la plupart de ses questions. «J’ai repris une partie du domaine familial en 2018, consacrée aux grandes cultures et aux vaches allaitantes. Mon frère Harald a préféré s’occuper des vignes, explique-t-elle. C’était une évidence pour moi que cela se fasse ainsi. Être cheffe d’exploitation me permet de parler des réalités avec les différents acteurs que je côtoie dans mon travail à Agora.»

Son univers

Un sport

«Le taï-chi. Il m’ancre dans le moment présent.»

Un style musical

«Le métal symphonique. J’écoute beaucoup Nightwish quand je veux être dans une bulle.»

Un pays

«La Finlande. Notamment parce que je n’aime pas le chaud.»

Un plat

«Le rôti, servi avec le riz noir djondjon de ma maman, d’origine haïtienne, une sauce aux champignons et une salade de haricots verts.»

Langue fraternelle

Petite, elle s’imaginait ingénieure agronome, mais à la fin du gymnase, elle renonce à s’inscrire à l’ETHZ, craignant que l’allemand – qu’elle utilisait pourtant pour s’amuser, enfant, avec son frère pour éviter que ses parents ne les comprennent – ne soit un obstacle.

Elle peaufinera toutefois la langue de Goethe quelques années plus tard lorsqu’elle décroche un poste à Berne, son diplôme d’ingénieure EPF en environnement en poche. «J’ai étudié le génie rural ainsi que la protection des ressources. J’ai compris alors qu’il y a des enjeux qui nous dépassent. J’ai aussi pris conscience du lien étroit qui existe entre l’environnement et l’agriculture, raconte-t-elle. On les oppose alors qu’en réalité l’un ne va pas sans l’autre.»

Rencontres enrichissantes

Après avoir travaillé au sein d’un bureau de génie civil, elle rejoint l’Union suisse des paysans, où elle traite de questions en lien avec l’énergie et l’environnement durant sept ans. Elle intègre ensuite Agora à mi-temps, passant en parallèle son brevet fédéral de paysanne. «Mes parents ne m’ont jamais forcée à reprendre le domaine, les remercie la quadragénaire. Mais quand j’ai voulu reprendre l’exploitation, j’ai dû m’affirmer.»

Quand on s’intéresse
à l’autre et à sa réalité, l’échange se fait naturellement.

Elle espère que la transition pour endosser ce nouveau rôle chez Agora s’opérera de manière aussi fluide. Alexandra Cropt l’avoue d’emblée: elle ne souhaite pas révolutionner l’organisation, mais continuer à la développer et à l’améliorer afin d’en faire un incubateur d’idées, mais aussi de promouvoir la formation, primordiale à ses yeux.

«Il est important de trouver des intérêts communs entre les différentes chambres d’agriculture des cantons romands, note la future directrice. Le travail de la terre est un langage universel. Je m’en suis rendu compte lors de rencontres avec des collègues ou à l’occasion de voyages, en Suisse ou à l’étranger. C’est très enrichissant et bien souvent, je constate que les problématiques sont communes, comme les effets du changement climatique ou de la qualité des sols, même si les contextes sont parfois très différents. Quand on s’intéresse à l’autre, à sa réalité et aux problématiques qu’il rencontre, l’échange se fait naturellement. C’est très enrichissant.»

Bénévolat à gogo

Si elle aime voyager – elle a notamment étudié à Québec – elle reste très attachée à son Chablais natal. Elle s’investit pour l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales, auprès de ses consœurs d’Ollon et a même fait une incursion en politique.

«J’ai fait une législature, mais j’ai ensuite décidé d’arrêter. Je préfère ne pas avoir d’étiquette partisane, reconnaît-elle. Le bénévolat en revanche est important. C’est pour moi une évidence, c’est grâce à cette entraide que la Suisse se porte si bien. Et l’être humain n’est pas fait pour se reposer!»

+ D’infos agora-romandie.ch

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