L’authenticité de Claude Luisier fait fondre les amateurs de fromages
Quand on pénètre dans sa cave voûtée aux murs épais, on a l’impression de découvrir un endroit secret, préservé de tout. Et pourtant, ce lieu est connu dans le monde entier. C’est en effet dans son repaire au centre de Leytron (VS), ayant appartenu à sa grand-maman, que Claude Luisier partage sa passion des fromages avec des internautes de toute la planète.
Depuis deux ans, ses courtes vidéos – réalisées par son fils Michel – cartonnent sur TikTok, Instagram ou YouTube. Simples, efficaces, drôles, mais surtout instructives, elles cumulent des milliers, voire des millions de clics, donnant une visibilité incroyable à des produits artisanaux choisis avec soin par l’affineur de 68 ans.
J’ai eu la chance depuis mon enfance de pouvoir déguster des denrées de qualité, comme les premiers fromages d’alpage de la saison, les plus aromatiques.
Naturel devant la caméra
Le charisme de Claude ainsi que sa voix réconfortante y sont pour beaucoup. «Je passe pour le grand-papa qui raconte des histoires. J’exécute cette tâche avec beaucoup de naturel et de plaisir, reconnaît le Valaisan, qui a même laissé pousser sa barbe afin de parfaire l’image de son personnage. Parler de bons produits et de leur provenance permet de les faire connaître, et c’est le plus important.»
Sa vidéo sur la découpe du fromage à raclette a été visionnée plus d’un million de fois, à son plus grand étonnement. Son fils Michel, avec lequel il est très complice, l’a même mis au défi de goûter en direct à un Babybel. Une première dont il ne garde pas un excellent souvenir. «J’ai une aversion pour les produits industriels, insipides. Je supporte les fromages thermisés, mais même ceux pasteurisés ne m’intéressent pas, tranche-t-il. J’ai eu la chance depuis mon enfance de pouvoir déguster des denrées de qualité, comme les premiers fromages d’alpage de la saison, les plus aromatiques.»
Quête perpétuelle de l’excellence
Grâce à sa notoriété internationale, les commandes explosent et lui ouvrent les portes des meilleures fromageries. Cette renommée l’a notamment mené jusqu’à Tokyo, où il a découvert des fromages à raclette, qui y sont façonnés et affinés depuis une trentaine d’années. Ils l’ont bluffé. Il a même eu la chance de participer à un long métrage, interprétant un vendeur de fromages sur un marché. Autant d’opportunités inattendues qu’il saisit avec bonheur.
Aujourd’hui à deux doigts de la retraite, Claude Luisier savoure son succès, qu’il doit en partie à sa famille, notamment à sa femme Anne. Après s’être occupée de leurs trois enfants, elle rédige désormais les textes de ses vidéos. Elle passe des heures à fouiller dans les archives dans le but de trouver les histoires croustillantes entourant ces délices d’exception, pour lesquels elle voue également une passion.
Duo gagnant
Leur duo fonctionne tellement bien qu’il a attiré l’attention d’une grande maison d’édition française. Elle leur a demandé de rédiger un livre – ce dont rêvait Claude. Ils n’ont mis que quelques mois à l’écrire, y dévoilant leurs coups de cœur ainsi que des recettes personnelles élaborées lorsqu’ils étaient à la tête de leur restaurant à Saillon. Claude et Anne Luisier, qui se sont rencontrés à l’École hôtelière de Lausanne, ont en effet commencé leur carrière en ouvrant leur propre établissement.
Audacieux et imaginatifs, ils choisissent de créer un bistrot low cost, avec des menus aux tarifs dégressifs. Il fait salle comble. Puis ils se lancent comme traiteurs, avant de se consacrer exclusivement à l’affinage de fromages. Claude sait au toucher si un raclette – au lait cru et d’alpage évidemment – sera bon ou non. «Je me rends compte que j’ai toujours eu du succès dans ce que j’ai entrepris. C’est une chance. Mais je n’aurais jamais pensé acquérir une telle notoriété en parlant de mon métier.»
Milliers de pépites à choyer
Dorénavant, impossible pour lui de passer incognito dans les rues de Tokyo ou de Paris, où il se rend souvent. Il entend bien savourer ces instants, en préparant la remise de son commerce. À Leytron, il forme son successeur à l’affinage de ses délices, glanés en Suisse et dans les pays voisins. En tout, Claude Luisier bichonne près de 2000 fromages de 60 sortes différentes dans ses caves exiguës.
Chacun a ses besoins spécifiques, explique-t-il, en suivant de près l’évolution des champignons se développant sur leurs croûtes. «Je vais continuer à faire ces vidéos encore un moment, mais surtout consacrer mon temps à la découverte de pépites fromagères, en Italie notamment, poursuit-il. J’en débusque souvent par le bouche-à-oreille ou par le biais d’interprofessions. En Suisse, on dispose d’excellents mi-durs, mais on manque de diversité. C’est pourquoi je propose beaucoup de pâtes molles françaises, par exemple.»
D’aussi loin qu’il se souvienne, Claude a toujours apprécié les bons produits. À 8 ans, il servait les raclettes aux clients du restaurant de ses parents, à Ovronnaz. La semaine, il vivait en plaine à Leytron, avec sa grand-mère. Il allait chercher le lait à la laiterie, comme tous les enfants du village. «Tout le monde se connaissait et s’approvisionnait directement chez les producteurs, se souvient-il. Je suis heureux de voir qu’aujourd’hui encore les jeunes s’intéressent à notre terroir et au travail des artisans.»
Son univers
Une destination
Le Vietnam, j’aime m’imprégner de l’histoire d’un pays avant de m’y rendre.
Un livre
«Au revoir là-haut», de Pierre Lemaitre, je lis beaucoup. Ce roman m’a marqué.
Un sport
Le VTT électrique, il me permet de me vider l’esprit lors de mes trajets entre Leytron et ma maison d’Ovronnaz.
Un fromage
Le roquefort Vieux Berger, ce bleu est mon coup de cœur.
+ d’infos
Le livre «La Fromagerie» est en vente depuis le 18 octobre
www.luisier-affineur.ch
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