Rien ne résiste à ces frangins épicuriens, complices et créatifs
Impossible de présenter l’un des frères Perusset sans faire de même pour le second, tant leur vie est liée. À la tête d’une boucherie et d’un service traiteur à Orbe (VD), Grégory, 42 ans, et Frédéric, 38 ans, se complètent. Chacun finit volontiers les phrases de l’autre, le plus naturellement du monde.
«Notre maman nous a toujours dit qu’il fallait parler de tout, se souvient Frédéric. Quand il y avait un problème, elle concoctait une tarte aux pommes et on s’asseyait autour de la table pour en discuter. On le fait encore aujourd’hui.» D’aussi loin qu’ils se souviennent, ils ne sont jamais restés fâchés l’un contre l’autre bien longtemps.
Tradition familiale
Fiers représentants d’une famille de bouchers et d’agriculteurs – leurs parents Olivier et Nadine ont tenu un commerce à Baulmes (VD) –, les deux frères travaillent main dans la main, après avoir suivi des cursus différents.
Ils nous les détaillent dans le carnotzet aménagé à l’arrière de leur boucherie, où trône l’enseigne en bois de leurs aïeux et leur diplôme de la Confrérie du Guillon. Frédéric Perusset connaît bien les lieux. C’est dans ces locaux, alors tenus par Armand Roch, qu’il a passé son CFC de boucher- charcutier en 2007.
C’est important de dépoussiérer l’image du métier de boucher,
afin de motiver la relève.
Pendant ce temps, Grégory se formait en tant que cuisinier à l’Hôtel-de-Ville de Crissier puis à l’École hôtelière de Genève. «Je suis ensuite parti travailler pour un hôtel Ritz Carlton en Floride puis à Moscou, raconte-t-il. Nous voyagions beaucoup avec nos parents, je trouve cela essentiel. Ça ouvre l’horizon et donne des idées.»
Clips et claquettes dans le labo
Frédéric et Grégory deviennent les patrons de l’entreprise familiale en 2016. Ils quittent Baulmes pour s’installer à Orbe quatre ans plus tard. Aujourd’hui, leurs trente employés revêtent une blouse noire rehaussée de rouge à leur nom et portent un béret gris chiné, leur marque de fabrique. S’ils sont friands de plats mijotés traditionnels, comme la langue sauce aux câpres ou les tripes à la milanaise, les Perusset souhaitent surtout donner un coup de jeune à leur profession.
As de la communication, ils n’hésitent pas à tourner des clips promotionnels en faisant des claquettes dans leur laboratoire ou en arborant de luisants couteaux de boucher sur leurs prospectus. «Certaines de nos vidéos ont eu plus de 20 000 vues, c’est impressionnant, se réjouit Frédéric, aussi formateur de jeunes bouchers. C’est important de dépoussiérer l’image de notre métier, afin de motiver la relève.»
Un amour de café
Leurs amis danseurs leur ont même donné un coup de main en acceptant d’être filmés dans l’enseigne à Yverdon-les-Bains, Bocal & Coffee, ouverte il y a tout juste un an. Ils y vendent des plats en bocaux – tirés du livre de recettes de leur grand-mère Madeleine – et du café, une boisson qu’ils ont pris l’habitude de déguster à chacun de leur périple, aux quatre coins du monde.
«On a eu cette idée pendant le Covid, explique Grégory. Notre service traiteur s’est arrêté d’un coup. Pour continuer à faire travailler notre équipe, on s’est mis à concocter ces bocaux de cassoulet d’Orbe ou de bœuf bourguignon, que l’on stérilise en autoclave. On a fait beaucoup de tests et n’avons mis en vente que les plats validés par nos employés.» Le bagout de Frédéric a fait le reste: il est parti toquer à la porte d’épiceries et est parvenu à placer ces mets d’antan dans de multiples rayons de la région.
Attrait de la scène
Leur secret? Beaucoup de travail et un entregent à toute épreuve. Ils œuvrent presque exclusivement avec des artisans locaux, s’approvisionnant en poulets aux prisons d’Orbe et en bétail chez les agriculteurs des environs. Frédéric fait même partie du comité de la Coopérative du futur abattoir régional d’Orbe, prévu à 300 mètres de la boucherie.
«Dans le Nord vaudois, on sent un grand soutien. On a effectué toute notre scolarité à Baulmes, où on a encore beaucoup d’amis, note Frédéric. On a bien sûr fait partie de la Jeunesse, ce qui nous a permis de décrocher des mandats pour des banquets comme celui de la Cantonale de Givrins. Leurs membres sont de fidèles clients. On se connaît parfois depuis les bals de campagne, dans lesquels on se rendait en boguet.»
Inséparables dans leur laboratoire, les frangins le sont aussi en dehors des heures de travail. En 2016, ils ont monté, avec leurs parents, le spectacle musical Claquettistes dans la carrière de Baulmes. L’événement, alliant leur passion de la mise en scène, du théâtre et de la danse, a attiré 12 000 personnes. Un souvenir impérissable.
Nouvelle boucherie en vue
S’ils font la part belle aux produits du terroir local dans leur boutique, les Perusset saupoudrent volontiers leurs créations d’épices découvertes lors de leurs voyages, au Maroc ou au Vietnam. «Nous sommes des épicuriens, qui aimons goûter à tout, continue Grégory. Avec des amis, on met chaque mois de l’argent de côté afin de se faire une bonne table par an en Suisse ou à l’étranger. Pour nous, la meilleure reste celle de Crissier.»
En plus de leurs deux camions présents sur plusieurs marchés vaudois, ils se lancent aujourd’hui un nouveau défi: ouvrir une boucherie au Sentier, à la vallée de Joux. «Nos parents nous ont toujours conseillé de nous diversifier. Je crois que l’on n’est pas près de s’arrêter», confie Frédéric.
Leur univers
Un loisir
La danse et le théâtre. «J’en fais depuis plus de dix ans, il m’arrive même de danser en travaillant», reconnaît Frédéric. «Je vais me former à la mise en scène», ajoute Grégory.
Un plat
Le papet vaudois pour Frédéric, la saucisse à rôtir pour Grégory. «On demande souvent à notre maman, avec qui on dîne tous les jours, d’en préparer.»
Un lieu
Baulmes (VD). «On y vit encore. On apprécie aussi la vue depuis le chalet d’alpage de Grange-Neuve, situé entre le Suchet et les Aiguilles-de-Baulmes.»
+ d’infos www.boucherieperusset.ch
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