Sur les traces d'un conteur d'histoires de roches et de cratères

L’orage menace lorsque nous retrouvons Thierry Basset à Genève. La touffeur de cette fin d’après-midi n’effraie pourtant pas le guide de retour de Toscane. Il y a effectué des repérages pendant deux semaines pour un nouveau séjour. De sources thermales à la centrale géothermique de Larderello, la première au monde, en passant par un volcan et une ancienne mine de mercure, le séjour en cours d’élaboration s’annonce aussi passionnant que diversifié. «C’est le deuxième repérage que je fais cette année, explique Thierry Basset. Développer de nouvelles formules est agréable pour moi, tout comme pour les clients fidèles.»

J’aime à dire que je me suis inventé mon propre travail.

Du Valais aux volcans américains

Petit, le futur guide de voyage arpente les alentours du chalet familial de la vallée du Trient (VS). Pendant les vacances, il passe alors tout son temps dehors, s’intéresse plus à construire des cabanes qu’à randonner en famille. Il va nourrir sa fascination pour les volcans sur les bancs de l’université où il obtient en 1996 un doctorat sur le sujet du volcan Acatenango, perché à 3976 mètres d’altitude au Guatemala. L’appel de la nature et des paysages minéraux se faisant sentir, il part ensuite deux ans sac au dos avec sa future épouse pour voyager entre l’Alaska et la Terre de Feu à la découverte des volcans du continent américain.

De retour en Suisse, le Genevois ne parvient pas à décrocher un poste dans son domaine. Il se demande alors s’il ne pourrait pas gagner sa vie en poursuivant sa route sur la ligne de crête de sa passion. Étudiant, il avait accompagné des élèves sur des sites géologiques et animé quelques conférences. La vulgarisation scientifique n’était pas une évidence, mais il y a pris goût progressivement. «Entre étudiants géologues, raconte le guide, on parlait souvent de créer des séjours ayant pour thème la géologie. Mais on disait que ça ne pouvait pas marcher. Moi, j’y ai cru!»

Thierry Basset s’est ainsi créé son propre travail, comme il aime le présenter. Les premières années de ce projet entrepreneurial n’ont pas été aisées. Le soutien, financier en particulier, de l’épouse du géologue a permis de traverser cette première phase laborieuse. Après vingt-cinq ans à la tête de son agence, il mesure pleinement l’intérêt de ne pas avoir eu devant lui une voie toute tracée.

Nourrir la curiosité

Au fil du temps, l’offre de GEOL s’est étoffée, mais la géologie en est restée le fil conducteur. Les idées de séjour viennent au guide parfois du bouche-à-oreille ou de son propre intérêt. «J’ai par exemple monté pour cet automne un voyage dans le Sahara marocain, j’avais envie de m’y rendre depuis longtemps. Certains sites fossilifères locaux sont classés et les paysages y sont spectaculaires.» En Suisse aussi, certains lieux peuvent être redécouverts au prisme de leur histoire géologique: des excursions sont par exemple proposées en Lavaux, dans le Jura vaudois ou en encore en Valais, au glacier d’Aletsch ou à Derborence.

«Au départ, la géologie n’est pas forcément le sujet de prédilection des gens, raconte le scientifique. Mais c’est un prisme à travers lequel je peux parler d’environnement, de climat et finalement de la nature en général. Les clients reviennent parce que les thématiques abordées sont accessibles et contextualisées.» Pour lui, certains sites exigent aussi qu’il approfondisse ses propres connaissances. Au cours de ses repérages, Thierry Basset travaille surtout sur les aspects logistiques, en découvrant les lieux de visite, les hébergements et les restaurants. C’est ensuite de retour chez lui que les aspects scientifiques du voyage sont explorés.

Nouveau regard sur l’environnement

Aujourd’hui, de nouvelles réflexions et envies émergent. Le géologue collabore avec des artistes suisses pour produire des livres, ou des expériences singulières telles que les soundwalks. Des excursions sont accompagnées par des musiciens qui captent et restituent des sons de la nature environnante, chantent des mélodies traditionnelles ou font des percussions. Cette immersion sonore donne de la profondeur à l’histoire du paysage en valorisant les patrimoines culturels et naturels d’une région. «J’aime beaucoup ces échanges avec les artistes. En s’inspirant de la nature pour peindre, composer ou raconter des histoires, ils me font voir la géologie autrement. Je m’inspire en retour de leur travail pour raconter des histoires géologiques.»

Les questions écologiques ont aussi pris une part plus grande dans sa démarche. «En pratique, nous avons en tant qu’agence de voyages une influence: pour l’Italie, par exemple, je privilégie désormais le train. Le 90 % de mes clients me suit dans ce mode de transport.» Et d’ajouter: «Avec mes enfants, nous parlons régulièrement de ces problématiques.»

Si aucun de ses héritiers n’a souhaité s’investir dans la géologie, Thierry Basset leur a transmis son intérêt pour la nature. Ils ont chacun pu profiter, en guise de rite de passage pour leurs 10 ans, du séjour en Sicile organisé par leur papa. Les célèbres volcans italiens constituent une base pour développer une curiosité à l’égard des éléments naturels. À 61 ans, Thierry Basset pense peu à la retraite: «Je vais plutôt alléger mon emploi du temps, proposer les offres qui me font le plus plaisir.» Pour cet été, le cap est mis sur l’Islande et ses fjords.