Croquant et sain, le pourpier réhausse les salades hivernales
L’après-midi s’égrène et les employés s’activent dans les serres du Domaine de Fermens. À quatre pattes, ils désherbent soigneusement les lignes de salades, en écoutant du reggae, dans une chaleur inhabituelle pour la saison. Depuis les plantations, la vue sur le Léman est imprenable. C’est cette proximité avec le lac – et la possibilité d’utiliser son eau pour irriguer les cultures – qui a poussé Hector Silva, le patron des lieux, à déplacer son exploitation d’Apples à Denens (VD) durant l’année 2003.
Depuis plus de trente-cinq ans, le maraîcher d’origine péruvienne s’occupe de cinq hectares en culture biologique. En plein champ ou sous serre, il cultive une soixantaine de légumes différents, se diversifiant sans cesse. Chaque centimètre de terre est rentabilisé. «Nos cultures sont intensives, la rotation des variétés au fil des mois est primordiale afin de garantir de belles récoltes», explique Hector Silva, en se faufilant entre les pousses verdoyantes d’épinards, de persil et de roquette. Il veille à placer ses pieds de manière à ce qu’aucun plant ne soit écrasé, jusqu’à atteindre un parterre de pourpiers touffus à souhait.
Résistance hors norme
Reconnaissables à leurs feuilles grasses en forme de losange, ces salades grandissent rapidement, d’octobre à avril. Les conditions météo actuelles dopent la production de cette plante robuste. «On cultive le pourpier en hiver, car sa résistance est grande, relève Hector Silva. Il peut germer à des températures de -15°C, même si dans les faits on descend rarement en dessous de -2°C dans les serres.»
Sur ce carré en pleine terre – qui n’a jamais été labourée – des doubles mottes de la variété claytone de Cuba se développent uniformément et de façon si dense que l’on n’aperçoit plus leur pied. «Il faut couper les tiges délicatement, à environ trois centimètres du sol avant qu’elles ne montent et deviennent ligneuses, détaille Mickaël Estève, le bras droit d’Hector Silva. Les clients aiment les petites feuilles, il faut donc qu’on les ramasse régulièrement pendant quelques mois.» Moins d’une semaine plus tard, une seconde cueillette pourra être réalisée sur cette parcelle.
Le producteur
Hector Silva a commencé sa carrière en 1989 avec son épouse Judith Ammann. Au départ, le couple travaillait à Apples (VD) et le Domaine de Fermens n’avait qu’un accès restreint à l’eau. En 2003, la canicule a fortement impacté les récoltes, Hector et Judith ont alors décidé de déplacer leur exploitation à Denens, sur un terrain pouvant être irrigué grâce à l’eau du Léman. Cela leur a permis de sauver leur domaine. À la retraite de Judith, en 2017, et à la suite de leur séparation, Hector a repris seul le flambeau, gérant une équipe de sept personnes. Il a depuis ouvert un marché à la ferme dans une nouvelle halle érigée en 2021 à côté des serres. Il écoule également sa production les mercredis et samedis aux marchés de Morges, Lausanne et Denens.
Produit rare et recherché
Une fois coupé, le pourpier, riche en nutriments, est mouillé afin de mieux se conserver. Puis il est immédiatement mélangé à d’autres feuilles pour créer un mesclun saisonnier. Le Domaine de Fermens en écoule des centaines de kilos par semaine, preuve que la plante y est un ingrédient phare durant les mois d’hiver. Elle ajoute une pointe acidulée et un léger goût de noisette au mélange composé également de roquette et de pousses d’épinard. «Le pourpier se conserve moins d’une semaine au frigo, continue Mickaël Estève. Ici, on le cueille la veille de sa vente. Si ses feuilles sont pliées ou endommagées pendant la récolte, elles se gâtent très rapidement.»
Or c’est justement la fraîcheur et le croquant de ce végétal qui séduisent. Ces particularités lui ont ouvert la porte des restaurants, mais pour l’heure pas celle des grandes surfaces, ce qui en fait un produit rare et recherché. «Sa durée de conservation ainsi que son prix, relativement élevé une fois conditionné en sachet par les magasins, l’excluent des rayons, constate Hector Silva, qui le commercialise essentiellement en vente directe, sur son domaine et par le biais de son site internet. On l’écoule en vrac et il a beaucoup d’adeptes.»
Aussi bon chaud que froid
Le pourpier, en plus d’être sain, peut être consommé de bien des façons. Si certains le dégustent simplement en salade, d’autres préfèrent le savourer finement haché, comme une herbe aromatique rehaussant du fromage frais, ou cuisiné de la même manière que des pousses d’épinard.
À la fin de la saison, une petite fleur blanche apparaît au centre de la feuille. «Elle rend la plante encore plus jolie, mais signifie aussi que sa saison se termine», conclut le maraîcher. Dans quelques semaines, cette culture cédera la place dans les serres à diverses variétés de tomates anciennes.
Un végétal aux multiples vertus
La famille du pourpier compte environ 30 genres et plus de 300 espèces, dont le pourpier d’hiver provenant de la région pacifique d’Amérique du Nord. Celui-ci a longtemps été considéré comme une mauvaise herbe alors qu’il est en réalité l’une des plus anciennes plantes potagères au monde. En plus de sa beauté, ce végétal a plusieurs atouts, comme sa haute teneur en vitamines B et C. Il est riche en antioxydants, en potassium, en phosphore et en magnésium, selon Légumes suisses. Le pourpier est également prisé des jardiniers amateurs pour ses qualités de bio-indicateur. Sa présence à l’état naturel signifie en effet que le sol, à l’endroit où pousse la plante, manque de calcium et s’avère très compact.
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