Le britchon, un fromage
tout protestant bichonné
au rosé neuchâtelois

Ce fromage à pâte mi-dure adopte le sobriquet dont on a affublé les habitants du canton de Neuchâtel. Il est le diminutif d'Abraham, un prénom de l'Ancien Testament, auxquels les protestants avaient souvent recours.
14 mars 2025 Grégoire Baur/Le Temps
À la fromagerie des Sagnettes, Alexi Frey élève son britchon pendant quatre mois. Les petites meules sont frottées quasi quotidiennement 
à l'œil-de-perdrix. Le fromage est en vente 
à la fromagerie, dans les commerces locaux et à la Migros. Matthieu Spohn
À la fromagerie des Sagnettes, Alexi Frey élève son britchon pendant quatre mois. Les petites meules sont frottées quasi quotidiennement 
à l'œil-de-perdrix. Le fromage est en vente 
à la fromagerie, dans les commerces locaux et à la Migros. Matthieu Spohn
À la fromagerie des Sagnettes, Alexi Frey élève son britchon pendant quatre mois. Les petites meules sont frottées quasi quotidiennement 
à l'œil-de-perdrix. Le fromage est en vente 
à la fromagerie, dans les commerces locaux et à la Migros. Matthieu Spohn
À la fromagerie des Sagnettes, Alexi Frey élève son britchon pendant quatre mois. Les petites meules sont frottées quasi quotidiennement 
à l'œil-de-perdrix. Le fromage est en vente 
à la fromagerie, dans les commerces locaux et à la Migros. Matthieu Spohn

C’est la plus ancienne des spécialités fromagères neuchâteloises. Et pourtant, elle n’est pas si vieille que cela, puisqu’elle a vu le jour en… 1998. 
Le britchon a été créé à l’occasion du 150e anniversaire de la République neuchâteloise. La particularité de ce fromage de vache thermisé à la pâte onctueuse? Il est affiné avec une spécialité locale: l’œil-de-perdrix.

«L’affinage apporte un goût fruité au fromage, sans que cela ne soit trop prononcé», souligne Alexi Frey, propriétaire de la fromagerie des Sagnettes, la seule à produire du Britchon. «À Neuchâtel, chaque fromagerie ou presque a sa spécialité. Le britchon est typiquement de chez nous. Nous avons créé la recette, puis nous l’avons conservée», précise le fromager, rappelant que c’est son prédécesseur Philippe Geinoz qui a inventé ce fromage.

700 litres d’œil-de-perdrix

Il nécessite une attention particulière puisqu’il est frotté tous les jours à l’œil-de-perdrix. Depuis la rénovation de la fromagerie en 2015, cette opération est majoritairement déléguée à un robot qui se charge de frictionner les meules.

Les fromages sont frottés dès la première semaine suivant la production, puis au rythme de tous les deux jours dès la deuxième semaine et jusqu’à la fin de l’affinage après quatre mois. «J’utilise environ 700 litres d’œil-de-perdrix par année», glisse Alexi Frey.

Le jeune homme de 23 ans est tombé dans le monde du fromage un peu par hasard. Il découvre la fromagerie des Sagnettes grâce à son papa, maçon, qui a transformé le bâtiment. Il y fait un stage et la magie opère. Il ne quittera plus les lieux, y réalisant tout son cursus, de l’apprentissage jusqu’à la maîtrise, avant de succéder à Philippe Geinoz à la tête de la fromagerie il y a un an. «Si on aime le fromage, le métier n’est pas vraiment compliqué», confie-t-il.

Fondue au britchon

Et le fromage, Alexi Frey en raffole, lui dont la fromagerie transforme annuellement 3,5 millions de kilos de lait, fournis par 19 producteurs de la vallée de La Brévine et du Val-de-Travers. «Du lait de qualité, du terroir neuchâtelois, qui donne un goût particulier aux fromages», aime-t-il à préciser.

La majorité du lait est transformé en gruyère, mais la fromagerie produit aussi plusieurs spécialités dont quelque 15 tonnes de britchon par année. Si ce fromage à pâte mi-dure se déguste volontiers à la main, il est aussi utilisé pour fabriquer une autre spécialité locale: la fondue britchon. Un mélange lacté de gruyère et de britchon, concurrent local de sa cousine fribourgeoise, faite à moitié de vacherin.

Descendant d’Abraham

Si le produit est 100% neuchâtelois, son nom l’est également. «Britchon est d’abord le sobriquet dont on a affublé les habitantes et les habitants du canton de Neuchâtel, ainsi que les protestants du Jura», expliquait Mathieu Avanzi en 2023 dans une chronique dans ArcInfo. Le professeur de dialectologie et spécialiste des français régionaux au sein de l’Université de Neuchâtel développait: «Étymologiquement, le mot «britchon» est la forme dialectale du diminutif d’Abraham.»

Mais pourquoi ce prénom en particulier? «Il faut remonter au XVIe siècle pour mieux comprendre. Grâce à l’influence de la Réforme, la ville de Neuchâtel est devenue une terre d’accueil pour les nombreux protestants persécutés à l’extérieur, comme à l’intérieur de ce qui deviendra la Suisse actuelle. Or, à cette époque, il était courant de donner aux enfants un prénom qui permette de rappeler sa religion. Chez les protestants, à l’inverse des catholiques, on constatait alors un recours beaucoup plus marqué aux prénoms de l’Ancien Testament. Ainsi, chez les garçons, Abraham était l’un des prénoms les plus courants. La tradition s’est perdue, mais le sobriquet est resté.»

Le producteur

Située entre le Val-de-Travers et La Brévine, cette fromagerie de montagne, située à 1100 m d’altitude date de 1928. Entièrement rénovée en 2015, elle transforme 3 millions de litres de lait en gruyère bio, gruyère conventionnel et en diverses spécialités, dont le Britchon et le Monlési. Ce dernier produit au goût corsé fait référence à la glacière souterraine du même nom du Val-de-Travers.

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