Le jerky, un concentré de protéines
et de goût pour tenir la distance

Le cuisinier et traiteur valaisan Philippe Baratte concocte trois recettes de ces copeaux de viande 
de bœuf déshydratés. Très populaires aux États-Unis, ils sont prisés des sportifs et des marins au long cours.
8 novembre 2024 Céline Duruz
Philippe Baratte commence par enrober sa pièce de bœuf avec des épices puis la laisse s'imprégner de ces saveurs pendant une dizaine de jours. Il la débite ensuite en bâtonnets réguliers, ajoute encore des épices, puis procède à la déshydratation.
© Sedrik Nemeth
Philippe Baratte commence par enrober sa pièce de bœuf avec des épices puis la laisse s'imprégner de ces saveurs pendant une dizaine de jours. Il la débite ensuite en bâtonnets réguliers, ajoute encore des épices, puis procède à la déshydratation.
© Sedrik Nemeth
Philippe Baratte commence par enrober sa pièce de bœuf avec des épices puis la laisse s'imprégner de ces saveurs pendant une dizaine de jours. Il la débite ensuite en bâtonnets réguliers, ajoute encore des épices, puis procède à la déshydratation.
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Philippe Baratte commence par enrober sa pièce de bœuf avec des épices puis la laisse s'imprégner de ces saveurs pendant une dizaine de jours. Il la débite ensuite en bâtonnets réguliers, ajoute encore des épices, puis procède à la déshydratation.
© Sedrik Nemeth

Produire du bœuf épicé à mâcher en Valais, pays de la viande séchée, le concept peut paraître risqué. Il est au contraire plébiscité par des sportifs et des randonneurs de toute la Suisse. Voilà dix ans que le cuisinier Philippe Baratte confectionne son Swiss Jerky avec du rumsteck de bœuf helvétique, dans son laboratoire de Vionnaz (VS).

«J’ai commencé à en faire pour un ami qui faisait du trail et mangeait du beef jerky industriel, bourré d’additifs, se rappelle-t-il. Je trouvais fou qu’une personne qui faisait autant attention à sa santé pollue son corps avec ce type de produit.»

Cinq ingrédients seulement

Transformer de la viande fraîche en cet aliment populaire auprès des cow-boys (lire l’encadré) s’est toutefois révélé ardu. Il a fallu des mois de tests pour parvenir à créer ce snack, qui se mâche mais comporte aussi une part de moelleux et surtout du goût.

Dans son Swiss Jerky, que Philippe Baratte décline aujourd’hui en trois variantes, il n’y a que cinq ingrédients: du bœuf suisse bien sûr, du sel de Bex – qu’il fume pour les besoins de l’une de ses recettes –, du miel d’apiculteurs de Vionnaz, des herbes aromatiques du Grand-Saint-Bernard ou un mélange de poivre cinq baies, qui ont remplacé le piment dans la version plus piquante de son jerky.

Toutes les semaines, l’artisan en confectionne dans son laboratoire, répondant aux commandes de ses clients sur son site internet. Dans un plat, il enrobe soigneusement sa pièce de bœuf avec les épices, puis la laisse s’imprégner de ces saveurs pendant une dizaine de jours, au frais.

Le producteur

Diplômé d’une école hôtelière française 
à seulement 14 ans, le restaurateur, issu d’une famille d’artisans de métiers de la bouche, a ouvert un établissement à Champex-Lac (VS) neuf ans plus tard. Après y avoir passé une dizaine d’années – il y a également créé des chambres d’hôtes –, Philippe Baratte a travaillé dans plusieurs résidences pour les personnes âgées du Valais. Puis il a fait un virage radical, devenant formateur de jeunes. 
Il s’est finalement mis à son compte en créant son service traiteur à Vionnaz, sous l’appellation Agitateur des saveurs. À 50 ans, ce papa de deux enfants y confectionne des tartares, de viande et de poisson, ainsi que ses trois Swiss Jerky.

Snack ultraprotéiné

Ce n’est qu’ensuite qu’il la découpe en tranches d’un centimètre de large. Puis il les débite en bâtonnets réguliers, extrêmement tendres et rouges à souhait. «J’ajoute à nouveau des épices et je mélange le tout avant de les déshydrater», ajoute Philippe Baratte. On n’en saura pas davantage sur le processus, que le cuisinier tient à taire, secret de fabrication oblige.

«Au départ, je proposais à la vente un grand morceau de jerky, pas forcément facile à manger, note le cuisinier. Je l’écoule désormais en plus petit format. Ces bouchées se grignotent comme des bonbons, version salée et ultraprotéinée.» Dans 100 g de jerky, on trouve en effet entre 45 et 52% de protéines, 6,8 g de matières grasses dont 2,9 g d’acides gras saturés, mais aucun conservateur ni sel nitrité, contre lequel l’artisan milite.

Réconfort en mer

Des qualités nutritives qui ont séduit cette année huit des quarante skippers du Vendée Globe, course à la voile autour du monde, en solitaire et sans escale, qui s’élanceront des Sables-d’Olonne (F) le 10 novembre prochain.

«Le navigateur suisse Alan Roura, que j’ai contacté pour lui en proposer, en a pris sur son bateau en 2016 déjà, raconte Philippe Baratte, qui a fait partie de la Marine française pendant sa jeunesse et suit les courses nautiques de près. Cette année, Jean Le Cam et Justine Mettraux notamment en prennent avec eux.

Début octobre, je leur ai envoyé par la poste de quoi tenir trois à quatre mois. Comme ce produit est sec, il se conserve des mois à température ambiante sans s’altérer.» Il permet aussi aux navigateurs de varier les plaisirs, et de mastiquer un peu, entre l’ingestion de deux plats lyophilisés.

Des pêcheurs aux traileurs

Si les marins connaissent le jerky, c’est que ce produit les suit dans leurs aventures depuis des décennies. En Normandie, l’arrière-grand-père de Philippe Baratte proposait déjà un mets équivalent, appelé la «chique», aux pêcheurs à la morue. Ces bombes protéinées les accompagnaient pendant leur voyage en mer, mais ils étaient plutôt coriaces.

Désormais, ces snacks s’adressent davantage aux sportifs, confirmés ou amateurs, les rassasiant lors de leurs randonnées ou de leurs trails. Ils glissent ce produit, facile à stocker, à transporter – ils sont vendus sous vide dans une pochette ornée d’une poya revisitée – dans leur sac à dos. Il leur donnerait même de la force, 100 g de Swiss Jerky équivalant à 350 g de viande fraîche de premier choix. Une donnée qui explique le prix de ces sachets (6 fr. 90 pour 55 gr).

Un délice élaboré par les Amérindiens

Ultrapopulaire aux États-Unis, le jerky est méconnu en Suisse, où on lui préfère la traditionnelle viande séchée. Pourtant, cette spécialité existe depuis des siècles. On la doit aux peuples autochtones amérindiens: ceux-ci, pour conserver la viande de bison pendant la saison froide, utilisaient cette méthode de séchage. Le terme «jerky» est une évolution du mot quechua «ch’arki» signifiant «viande séchée». Les Indiens marinaient la chair de leurs prises dans une saumure réalisée à base de fruits aigres. Ils la suspendaient ensuite près d’un feu ou au soleil le temps qu’elle se déshydrate, ce qui la rendait facilement transportable et leur permettait de se nourrir toute l’année.

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