Pour ne pas finir en vrac, les épiceries alternatives se serrent les coudes

Ce type de magasins a quadruplé en quinze ans, mais les fermetures se multiplient depuis la pandémie, selon un rapport. Une septantaine d’enseignes romandes ont réagi en signant une prise de position.
18 février 2025 Lila Erard
Fin 2023, on comptait une enseigne de ce type pour 16000 habitants, contre une pour 50000 en 2009. Quatre modèles ont été identifiés: les épiceries bios – les plus courantes –, en vrac, participatives et les coopératives de producteurs. © Adobe Stock

À l’origine d’un rapport sur le sujet paru en fin d’année passée, l’association Artisans de la transition qualifie ces magasins «d’alternatives à la grande distribution et à l’industrialisation systématique du système alimentaire».

Parmi les critères, on peut citer un travail en circuits courts avec des producteurs qui pratiquent l’agroécologie, ainsi qu’une volonté de limiter les emballages et le gaspillage alimentaire. Quatre modèles ont été identifiés: les épiceries bios, en vrac, participatives et les coopératives de producteurs. Durant deux ans, l’équipe a mené une étude quantitative et des entretiens, afin d’analyser le développement de ces enseignes depuis une quinzaine d’années.

Quelle évolution?

Le début des années 2010 a été marqué par une augmentation stable, suivie d’une explosion jusqu’en 2021, particulièrement en 2017 avec la création de 27 échoppes en Romandie.

Selon Jacques Mirenowicz, codirecteur des Artisans de la transition, cela s’explique par une «volonté de faire vivre des initiatives locales» durant cette décennie, renforcé par la signature de l’Accord de Paris en 2015.

Le livre à succès Zéro Déchet de la Française Béa Johnson aurait également favorisé les épiceries en vrac, tandis que le documentaire américain Food Coop, a mis en lumière les épiceries participatives. «Il y a aussi eu un effet Greta Thunberg, en référence à la militante écologiste suédoise. Tous les cantons étaient concernés, autant en ville qu’en campagne. C’était une vraie émulation!»

Et le déclin?

À la suite de la pandémie, 19 fermetures sont survenues en 2022, puis 21 l’année suivante. «Cette période a eu un effet anesthésiant, surtout dans le secteur associatif», regrette le spécialiste. Les magasins en vrac ont été fortement touchés, passant de 56 enseignes à 38 en deux ans.

Ce recul est toutefois à relativiser, selon Jacques Mirenowicz, qui précise que le nombre total a presque quadruplé de 2009 à 2023, passant de 40 à 149. «Fin 2023, on comptait une épicerie pour 16 000 habitants, contre une pour 50 000 il y a quinze ans. Quant aux magasins en vrac, ils représentaient toujours un quart des enseignes.»

Quels obstacles?

Plusieurs freins sont mis en avant, comme la baisse du pouvoir d’achat et le consumérisme. «Ces magasins ne sont pas plus chers à qualité égale, mais on trouve de nombreux produits à bas coûts importés en grandes surfaces.

En temps de crise, l’alimentation est une variable d’ajustement du budget des ménages», remarque le codirecteur. Pour les clients, la difficulté de s’organiser a également été citée dans les magasins en vrac.

Les épiceries participatives, elles, ont pointé le recrutement compliqué de bénévoles fiables sur la durée. «Crise économique ou non, ce modèle ne peut toucher qu’une clientèle sensibilisée aux questions d’alimentation, qui a les moyens de se payer une nourriture de qualité. En l’état, il n’est pas extensible à l’ensemble de la population.»

La lutte s’organise

Depuis 2023, des rencontres entre ces acteurs, souvent isolés, sont organisées par les Artisans de la transition. «Ces épiceries sont des acteurs clés des circuits courts, car les consommateurs ne peuvent pas tous faire leurs achats à la ferme, en vente directe ou au marché. Nous souhaitons les aider à mieux communiquer et à construire une stratégie commune», déclare Jacques Mirenowicz.

En parallèle du rapport, plus de septante enseignes ont signé une prise de position, rappelant leurs valeurs et invitant la population à s’intéresser à elles. Un site (www.epiceries-alternatives.ch) a été lancé pour les localiser. Enfin, l’association proposera des projections de son prochain film Irremplaçables épiceries! au printemps, ainsi qu’un dossier dans son magazine La Revue Durable. «Ces lieux stratégiques sont sous-valorisés. Pourtant, ils permettent d’acheter des produits éthiques à des prix justes, qui garantissent la transparence et favorisent le lien social. Cela répond à certains défis de notre époque.»

Envie de partager cet article ?

Achetez local sur notre boutique

À lire aussi

Accédez à nos contenus 100% faits maison

La sélection de la rédaction

Restez informés grâce à nos newsletters

Icône Boutique Icône Connexion