Pour développer leur agriculture montagnarde, ils misent sur la solidarité
Cet hiver, le village de Sarreyer a fait parler de lui. Et pour cause: depuis les laves torrentielles de l’été 2024 qui ont détruit la voie principale, seule une route de forêt menait à la localité, située à une dizaine de kilomètres de Verbier (VS). Celle-ci risquait donc à tout moment d’être coupée du monde. Depuis février dernier, un téléphérique provisoire offre désormais un autre moyen de l’atteindre.
Qui dit accès difficile, dit terrains pentus et production agricole complexe. Pour y pallier, quelques agriculteurs, issus du coin ou ayant repris des parcelles familiales, se sont regroupés autour d’un projet commun: l’Association des paysans et artisans de Sarreyer et environs.
Organisation collective
«Le métier n’est déjà pas évident, donc se réunir pour s’organiser, ça nous donne un élan», expose Matthieu Frécon. Sa spécialité? La distillation des spiritueux. Cultivant plantes et herbes, il les distille et les fait fermenter pour créer alcools ou remèdes médicinaux. Français d’origine arrivé à Sarreyer il y a une quinzaine d’années pour rencontrer Isabelle Gabioud, herboriste membre de l’association, il n’a plus jamais quitté la région. «Comme il met en valeur notre absinthe qui pousse ici comme une herbe folle, il fait désormais partie des nôtres», s’amuse la productrice d’huiles cosmétiques Aurélie Ecoffey, elle aussi membre.
Initialement, l’association se crée en 2018 dans le sillage du Projet de développement régional (PDR) du Grand Entremont, qui visait à pérenniser l’agriculture de montagne en apportant des outils financiers et de communication à divers projets de la région.
Grâce à un label associé, «Le Goût des cimes», les produits de ces artisans sont valorisés: infusions et sirops pour Isabelle Gabioud, huiles cosmétiques pour Aurélie Ecoffey, eaux-de-vie et spiritueux pour Matthieu Frécon, viande et produits laitiers pour Mauricette Felley, chocolats pour Raphaël Thoos et même sève de bouleau pour Alpine Ressource, tous ont bénéficié de ce coup de boost.
Initiatives à foison
«Dans le val de Bagnes, un courant existe pour un développement plus durable de la vallée», explique Matthieu Frécon. Et pour cause, l’Association des paysans et artisans de Sarreyer et environs n’est pas la seule à créer du lien entre les producteurs et les visiteurs. Si le village de 230 habitants accueille depuis plusieurs années l’association des Amis du moulin et du four à pain, une nouvelle venue a fleuri depuis décembre 2024 dans le val de Bagnes: ImAGIne. Organisation de marchés, accueil du Festival du film vert et création de parcelles de jardins partagés font partie des activités du groupe, formé d’un comité et d’une douzaine de participants.
La transmission au centre
En 2020, c’est ensuite autour d’un café que l’équipe développe la première communauté Slow Food de Suisse. Mis en difficulté lors du Covid, ce lieu doit fermer, décalant ainsi le «quartier général» de l’association vers la distillerie à l’extérieur du village. Preuve s’il en fallait que l’aspect communautaire leur est cher: chacun a ensuite concocté un espace pouvant accueillir plusieurs personnes et ainsi servir le collectif. Jardin pédagogique sur les parcelles d’Isabelle Gabioud, cuisine collective dans la distillerie de Matthieu Frécon… et dans l’ancienne laiterie du village appartenant désormais à Aurélie Ecoffey se prépare un lieu commun qui regroupera magasin en vente directe et salle de conférences.
Car le but de l’association n’est pas seulement de vendre des produits finis, mais bien de transmettre ses savoirs au plus grand nombre. Depuis quelques années, la fine équipe a ainsi choisi de proposer des ateliers sur les plantes médicinales et aromatiques et les diverses façons de les transformer. «Deux types de personnes y participent: des gens du coin, ou des touristes qui profitent d’être dans la région pour découvrir nos activités.»
Celles-ci étant chronophages, il est parfois difficile de s’atteler à la communication. L’équipe passe alors par les marchés, par le bouche à oreille et bénéficie de s’être constituée en association pour se faire connaître. «On ne fait pas grand-chose de plus que ce qu’on aurait fait seuls, mais on le fait mieux», résume Mathieu Frécon. Et si chaque artisan développe sa pratique dans son propre atelier, tous se retrouveront cet été à l’occasion de leur fête annuelle, celle du Solstice. Les intéressés que n’effraie pas le trajet jusqu’à Sarreyer peuvent déjà réserver leur avant-dernier week-end de juin!
L'avis de
Ariane Bourqui, participante à des ateliers
«J’habite La Tour-de-Peilz (VD) et j’ai découvert l’association par un flyer au marché. À Noël dernier, j’ai offert à mes nièces deux ateliers, l’un d’herboristerie par Isabelle Gabioud et l’autre de fabrication de cosmétiques par Aurélie Ecoffey. Je voulais m’éloigner de la vision idéalisée de la montagne pour les loisirs et leur montrer un autre pan plus réaliste, mais aussi la créativité et l’implication de gens qui s’engagent. Avec Aurélie, nous avons choisi les plantes en fonction de notre peau, pour fabriquer un macérat huileux adapté à chacune. En revenant, j’ai tellement parlé de cet endroit autour de moi qu’une amie fait désormais une reconversion en tant qu’herboriste… et va entamer son stage chez Isabelle Gabioud!»
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+ D’infos Prochain atelier de fabrication d’absinthe, ce samedi 12 avril. La distillerie accueillera aussi la fête du Solstice les 21 et 22 juin. Inscriptions et informations sur sarreyer-decouvertes.ch