Une boulangerie valaisanne agrémente ses pains de pépins de raisin

À Susten (VS), Paul et Anneliese Mathieu concoctent des spécialités uniques en Suisse à base de farine de graines d'humagne ou encore de merlot. Ils les collectent auprès de six vignerons de la région.
1 novembre 2024 Céline Duruz
Une fois que Paul Mathieu (ici avec sa femme Anneliese) 
a récolté la pulpe 
des raisins pressés, 
il en récupère les pépins. Ils serviront notamment à créer une farine utilisée dans la confection 
de certains pains.
© Cédric Raccio
Une fois que Paul Mathieu (ici avec sa femme Anneliese) 
a récolté la pulpe 
des raisins pressés, 
il en récupère les pépins. Ils serviront notamment à créer une farine utilisée dans la confection 
de certains pains.
© Cédric Raccio
Une fois que Paul Mathieu (ici avec sa femme Anneliese) 
a récolté la pulpe 
des raisins pressés, 
il en récupère les pépins. Ils serviront notamment à créer une farine utilisée dans la confection 
de certains pains.
© Cédric Raccio
Une fois que Paul Mathieu (ici avec sa femme Anneliese) 
a récolté la pulpe 
des raisins pressés, 
il en récupère les pépins. Ils serviront notamment à créer une farine utilisée dans la confection 
de certains pains.
© Cédric Raccio

Pour la famille Mathieu, à Susten (VS), les vendanges ont une saveur particulière. Anneliese et Paul ne sont pas vignerons, mais boulangers. Ils attendent pourtant la récolte des raisins avec autant d’impatience que les encaveurs, et ce, pour une bonne raison. Les baies entrent dans la composition de leurs créations sous une forme insolite, et surtout goûteuse: celle de la farine de pépins de raisin.

Depuis 2005, Paul Mathieu donne une seconde vie aux graines d’humagne, de syrah ou de merlot, des cépages rouges naturellement plus riches en antioxydants, évitant ainsi qu’elles ne pourrissent dans l’indifférence générale.

Démarche zéro déchet

À la fin de la cueillette dans les vignobles, il se rend en personne chez six vignerons, exerçant dans le périmètre du Parc naturel de Pfyn-Finges, pour récupérer la pulpe des baies pressées, où les pépins sont dissimulés.

«Il ne faut pas trop tarder, afin d’éviter qu’ils ne s’altèrent, explique l’inventif boulanger. En trois semaines, je fais mon stock pour un an. Je les nettoie puis les sèche dans mon laboratoire. Cela m’occupe parfois pendant six heures.»

L’artisan prélève ensuite non seulement leur huile, mais valorise aussi les tourteaux issus du pressage à froid des pépins pour les réduire en une fine farine brun-rouge. Voulant aller au bout de sa démarche zéro déchet, il transforme même les restes de ses préparations en produits cosmétiques.

 

Les artisans

La boulangerie Mathieu, gérée par Paul et son épouse Anneliese, est une entreprise familiale depuis trois générations. Elle emploie actuellement vingt personnes, dont deux des quatre enfants du couple, Dominique et Véronique. Soucieux d’utiliser en priorité des matières premières de la région, telles que le blé et le seigle cultivés au sein du domaine du Parc naturel régional de Pfyn-Finges, Anneliese et Paul Mathieu n’ont cessé de développer des produits, avec le même but: mettre en avant leur terroir. Ils les écoulent dans trois succursales: à Susten – où ils tiennent aussi un tea-room proposant des menus du jour –, à Salquenen et à Loèche.

Les joyaux de la vigne

Il lui a fallu deux ans d’essais pour parvenir à concevoir cette poudre locale qu’il puisse utiliser et commercialiser sous l’appellation de sa manufacture Fructum vitis (le fruit de la vigne, en latin). Une fois moulue artisanalement, elle est intégrée à une ribambelle de créations qui ont fait la notoriété de la boulangerie, du petit pain au croissant au jambon en passant par la tresse baptisée «Julian», apparue dans leur assortiment à la naissance de leur premier petit-fils.

Paul Mathieu a eu cette idée originale en pétrissant sa pâte dans son laboratoire cerné par le vignoble. «Je travaille à mon rythme, en respectant les produits. Cela me laisse du temps pour méditer et trouver de nouvelles idées, confie le boulanger. J’ai toujours employé des ingrédients régionaux et propres à notre terroir. Au départ, les viticulteurs trouvaient ma démarche étrange. Aujourd’hui, ils m’appellent afin de me dire qu’ils ont de beaux pépins! Pour moi, ce sont les joyaux de la vigne.»

Travail minutieux

Après le tri de 2000 kg de pulpe de raisin, l’artisan obtient environ 15 kg de pépins, qui, une fois pressés à froid, produisent un litre d’huile riche en antioxydants et en vitamines A, C et E. Ce n’est qu’ensuite que le Valaisan les moud, confectionnant près de 1500 kg de farine par an.

Vu sa rareté et ses qualités nutritionnelles, elle est utilisée avec parcimonie. Dans ses pains, concoctés avec des farines anciennes d’amidonnier et d’engrain fournies par la filière Céréal’hier, le boulanger ajoute environ 7% de cette fameuse poudre rouge.

Il laisse ensuite ses spécialités gonfler lentement, grâce à son fidèle levain dont il prend soin depuis vingt ans. Elles reposent pendant vingt-quatre heures à une température de 26°C avant d’être enfournées pour une durée d’une quarantaine de minutes.

Touche moelleuse

En plus de donner une teinte particulière à la pâte, la farine de pépins apporte aussi du moelleux à la mie et rend les pains riches en protéines. «Je trouve qu’elle agit également comme un exhausteur de goût», souligne son épouse Anneliese, qui n’hésite pas à en saupoudrer ses röstis dans sa poêle pour leur donner du croquant.

Les miches de la famille Mathieu, certifiées marque Valais et labellisées produits des parcs naturels suisses, seront ensuite vendues dans l’un de leurs trois magasins, ayant pignon sur rue depuis 1938. Leurs flûtes apéro à la farine de pépins seront en partie livrées gratuitement aux vignerons participants, pour accompagner la dégustation des crus à la cave.

Des graines aux vertus insoupçonnées

Les pépins de raisin sont de véritables petites bombes diététiques. Ils sont riches en antioxydants et en acides gras, mais également en vitamine A et E. Comme ils contiennent des tannins amers, ils ne doivent pas être écrasés lors du pressurage des baies. Ils restent donc intacts durant tout le processus d’encavage, une aubaine pour ceux qui souhaitent les valoriser, sous diverses formes. Ces graines sont prisées pour leur huile, aux vertus diététique et cosmétique. Le précieux liquide qu’elles renferment améliorerait le flux sanguin, et permettrait de lutter contre les varices et certaines maladies cardiovasculaires ou contre les effets du mauvais cholestérol.

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