De saison
Un sirop qui fleure bon le terroir et sublime les plantes des prés

Les prés de Cormoret, dans le Jura bernois, fleurissent durant tout l’été. Agricultrice touche-à-tout, Marianne Zimmermann en tire un nectar de son cru, parfumé et bon pour la santé.

Un sirop qui fleure bon le terroir et sublime les plantes des prés

On pourrait passer devant la bâtisse sans y prêter attention ni se douter des merveilles qu’elle recèle. Pourtant, l’étal dressé à l’entrée de l’ancienne ferme où nous reçoit Marianne Zimmermann, en bordure de route à Cormoret (BE), donne un indice de ce qui s’y cache. Notre hôte commence par nous emmener dans son laboratoire, installé dans la cuisine du logement qui accueille parfois des vacanciers. Les bouteilles et bocaux qui y trônent livrent un aperçu des produits que l’agricultrice confectionne: vinaigre de framboise, miel, tisanes, confitures et sirops, dont un fameux, à base de fleurs de pâturage.

Recette originale et primée
Si, pour certaines préparations, Marianne Zimmermann s’inspire de vieilles recettes de sa grand-mère ou du Jura bernois, le sirop de pâturages est entièrement de sa création. Elle y mêle tilleul, sureau, thym et bonhomme ou primevère, dans des proportions qui font sa marque de fabrique. Un savant mélange qui lui a d’ailleurs valu une médaille d’argent au Concours suisse des produits du terroir de Courtemelon (JU).

Comme les différentes plantes constituant ce breuvage ne fleurissent pas au même moment, la cueillette s’échelonne dès le printemps. La siropière fait sécher sa récolte sur des grilles de métal dans un grand déshydrateur. Certains ingrédients sont ainsi déjà prêts à l’emploi pour la cuvée du jour. Le thym sauvage a été prélevé dans les pâturages, le tilleul et le sureau à l’orée de la forêt. Reste à aller chercher le bonhomme, juste à côté, au jardin. «Mon potager, c’est ma pharmacie», lance la paysanne diplômée qui nous en fait immédiatement la démonstration: plantain antitoux, monarde tranquillisante, houblon contre l’insomnie ou encore bourrache et souci aux innombrables vertus. Le bonhomme, quant à lui, se dresse fièrement non loin des courgettes. «Il revient chaque année, explique Marianne, mais toujours à un autre endroit.» Et de nous désigner des plants poussant entre les dalles qui fleuriront l’été prochain. «Ils n’ont pas besoin de beaucoup de terre et d’eau. Cette année, ils compensent le fait qu’il n’y a pas eu de primevère officinale, en raison de la sécheresse.» L’agricultrice abaisse la hampe florale et saisit à pleine main une grappe de fleurs jaunes. «Il faut faire attention aux insectes, les abeilles notamment en sont friandes. Les inflorescences sont à cueillir chaque jour, car elles tombent rapidement. L’idéal est de le faire par beau temps, entre 11 h et 15 h, afin qu’elles soient bien ouvertes et livrent tout leur arôme.»

Une fabrication minutieuse
Retour en cuisine où Marianne dose chaque plante avant d’ébouillanter le tout avec la quantité d’eau adéquate. Le mélange doit macérer 24 heures. La cuisinière a pris les devants et dispose d’un macérat déjà prêt. Elle le filtre à travers une étamine et déverse le liquide dans une grande marmite. Après avoir ajouté le sucre, elle lance le feu puis plonge les bouteilles dans l’eau chaude afin qu’elles résistent à l’écart de température au remplissage. Tout en remuant pour bien diluer le sucre, elle nous glisse une anecdote: «Les gens ne connaissent souvent pas cette plante jaune tout en hauteur et me posent beaucoup de questions au sujet de son drôle de nom. Je leur réponds sans lever vraiment le mystère: «Vous prenez un bonhomme, vous le pressez et vous obtenez du jus de bonhomme», s’amuse-t-elle.

À mesure que le sirop chauffe, il embaume la pièce d’une odeur suave. «Il faut faire attention à ne pas trop le cuire, avertit la paysanne, sinon il perd sa consistance sirupeuse. Je repère le bon moment pour le tirer du feu aux petites bulles qui se forment à la surface.» Il est alors temps de le mettre en bouteilles. Marianne ajoute un tout petit peu d’acide citrique pour le goût citronné et la conservation. Et, avec une louche, elle verse le liquide doré dans l’entonnoir à filtre inséré dans le goulot. «Il est en inox, précise-t-elle. C’est indispensable pour l’hygiène. D’ailleurs, je suis souvent soumise à des contrôles.» L’artisane remplit les bouteilles à chaud jusqu’à ras bord afin de faire le vide puis, armée d’un linge pour ne pas se brûler, elle ferme les bouchons. Une fois tiède, le sirop pourra alors rejoindre l’assortiment de produits en vente directe devant la ferme ou dans les magasins du coin. En attendant, Marianne nous invite à la suivre à l’étage, dans son habitation aux boiseries anciennes et décorée avec soin, pour une dégustation du fameux élixir accompagné d’un cake… fait maison bien entendu!

Texte(s): Isabelle Chappatte
Photo(s): Nicolas de Neve

Sacré Bonhomme

Plus connu sous le nom de bouillon blanc, le bonhomme est aussi appelé molène, herbe de Saint-Fiacre ou cierge de Notre-Dame. C’est une plante bisannuelle, dont la tige mesure entre 1 et 2 mètres et qui pousse au pied des murets, au bord des chemins, sur les sols calcaires et caillouteux. Ses vertus médicinales sont connues depuis l’Antiquité. Surtout utilisé en tisane de fleurs, le bonhomme soigne la toux et, plus généralement, les inflammations des voies respiratoires, mais il est aussi réputé pour soulager les diarrhées aigües.

La productrice: Marianne Zimmermann

La retraite a beau être prévue pour l’an prochain, Marianne Zimmermann, 59 ans, est ce qu’on appelle une hyperactive. Elle a repris avec son époux Heinz la ferme familiale au moment de leur mariage. Maman de deux filles qui lui ont déjà donné sept petits-enfants, elle travaille sur l’exploitation de 12 hectares surtout dédiée à la production laitière. Mais pas seulement… Elle gère également le service de dépannage agricole et ménager rural du Jura bernois, a contribué à la création de paniers du terroir de la région et donné des cours d’artisanat. Engagée dans son Église, elle collecte les paquets de Noël distribués aux familles pauvres de pays de l’Est et œuvre au sein de l’Association internationale des Gédéons.