Reportage
Un tri sévère accorde une seconde vie aux vêtements qui la méritent

Chaque mois jusqu’à l’été, nous partons à la découverte des principales filières de recyclage du pays. Pour ce cinquième épisode, on se penche sur la collecte des textiles et des chaussures usagés.

Un tri sévère accorde une seconde vie aux vêtements qui la méritent

Trop petites, démodées, en déshérence ou mal-aimées, nos anciennes fringues entament généralement leur vie d’après de la même façon: emballées dans un sac plastique aux couleurs de Texaid. «En 1973, six œuvres d’entraide de renom (ndlr: Croix-Rouge Suisse, Secours suisse d’hiver, Solidar Suisse, Caritas Suisse, Kolping Suisse et Entraide protestante suisse EPER) se sont réunies pour coordonner et optimiser leur collecte de vêtements usagés. Avec un partenaire privé, elles ont fondé cinq ans plus tard la société Texaid, chargée de récupérer, de trier et de valoriser les textiles de manière professionnelle», explique Jana Mikulasch, collaboratrice de l’entreprise. Durant l’après-guerre, des collectes avaient commencé à être organisées dans le cadre du secours en cas de catastrophe naturelle, «mais avec l’augmentation des quantités récoltées, il était devenu nécessaire d’investir dans le processus de tri et le recyclage écologique.»

 

Un réseau dense
Petit à petit, la société a ainsi mis en place un vaste réseau de points de collecte. On trouve désormais plus de 4500 emplacements où l’on peut déposer les fameux sacs, soit 6200 conteneurs. Et depuis quelques années, des magasins de mode partenaires jouent le même rôle, récompensant les consommateurs recycleurs d’un bon d’achat. Aujourd’hui, «le groupe Texaid collecte environ 80 000 tonnes de textiles et de chaussures par an», précise Jana Mikulasch.

Habits, souliers, linge de table et de nuit, chaussettes, ceintures, sacs, couettes ou coussins: la moisson est large – n’en sont exclus que les déchets textiles, les matelas ou les tapis, ou encore les chaussures de ski, les patins à glace et les rollers. Seule condition posée: tout doit être propre, ou du moins pas trop sale. Mais il n’y a de toute façon aucun risque qu’une pièce ne correspondant pas aux exigences se retrouve dans le commerce des nippes. Car la collecte marque le début d’un processus à l’issue duquel seuls six articles usagés sur dix balancés au conteneur seront enfilés, chaussés ou utilisés à nouveau.

Première étape du périple: les sacs sont acheminés au centre de tri de Texaid, ouvert en 1982 à Schattdorf, dans le canton d’Uri. D’abord par camion, puis par le rail: «Les tournées de conteneurs sont calées sur la fréquence et le taux de remplissage de ceux-ci, et divers points de chargement locaux (ndlr: dont un à Yverdon-les-Bains) optimisent leur efficience», relève la collaboratrice. Une fois arrivés, les sacs sont ouverts et le tri commence. «Il est standardisé selon la hiérarchie européenne des déchets: réutilisation avant recyclage avant destruction», résume-t-elle. Plus de 300 critères sont appliqués lors du contrôle par la centaine d’employés travaillant à Schattdorf; un tamis dont la rigueur permet aux habits élus d’être remis en vente dans les magasins de seconde main de Texaid, mais aussi d’être exportés en Europe, en Asie et en Afrique. «On atteint un taux de 58% de réutilisation, soit bien au-delà de la moyenne du continent qui se situe entre 45 et 50%!»

Une petite quantité incinérée
Le marché suisse du vêtement d’occasion n’a toutefois pas une capacité d’absorption illimitée. Certains textiles, non triés, mais débarrassés des déchets les plus visibles, sont ainsi vendus à d’autres centres à l’étranger, le groupe Texaid étant actif à l’échelle mondiale, avec plusieurs succursales en Italie, en Allemagne, Autriche, Bulgarie, Hongrie et aux États-Unis. Quant aux pièces qui ne peuvent plus être portées, elles seront transformées en chiffons pour 17% d’entre elles, ou défibrées et mélangées à d’autres matériaux pour en faire des isolants, des couvertures ou de nouveaux vêtements. Finalement, sur une tonne de textiles recueillis à Schattdorf, moins de 100 kg (8%) finiront à l’incinération.

Évidemment, sur la quantité, on compte une certaine proportion d’articles neufs. Combien au juste? «Nous ne tenons pas de statistiques séparées, dit Jana Mikulasch. En matière de volume collecté ainsi que de tri, cela ne fait une différence que lorsque la décision est prise de réinjecter le vêtement dans le circuit.» Et qu’en est-il des textiles achetés par correspondance et retournés au vendeur? Une étude allemande avait établi que 4% des retours finissent dans le circuit de recyclage, une proportion probablement moindre en Suisse selon les experts. À ce sujet, Texaid reste discrète. «On propose des solutions sur mesure pour le commerce de détail par notre département Retail Solutions, qu’il s’agisse de textiles «pré- ou post-consommateur», se borne à répondre l’entreprise. Nous pouvons compter sur plusieurs collaborations dans ce domaine.»

Texaid réalise chaque année un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de millions de francs – 77,6 en 2020, indique sa collaboratrice. Une somme qui est allouée en partie à la couverture des coûts de matériel, d’énergie et de personnel; le bénéfice, lui, est redistribué aux actionnaires de la société anonyme sous forme de dividendes.

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Texaid

En chiffres

80‘000 tonnes de textiles et chaussures récupérées en Suisse chaque année.

6200 conteneurs en 4500 points de collecte.

58% des vêtements ramassés remis en circulation.

1000 collaborateurs au total.

77,6 millions de francs de chiffre d’affaires en 2020.

5 filiales en Allemagne, Autriche, Bulgarie, Hongrie et aux États-Unis.

+ D’infos texaid.ch