Reportage
Une grange se mue en noyau d’une maison familiale

Chaque mois, nous vous faisons découvrir une habitation exemplaire sur le plan écologique. À Erde (VS), plutôt que de démolir pour reconstruire, un couple a misé sur une rénovation exigeante d'une bâtisse du XIXe siècle.

Une grange se mue en noyau d’une maison familiale
Dans les ruelles d’Erde, au-dessus de Conthey (VS), une bâtisse fait pratiquement office de trompe-l’œil: de l’extérieur, c’est une grange ancienne comme on en voit dans les vieux villages. Mais à l’intérieur, une pièce moderne et chaleureuse sert de cuisine et de salle à manger à Mathieu Hugon-Duc, sa femme Mélanie et leurs deux enfants. Accolée à leur maison, cette grange du XIXe siècle faisait partie du lot au moment d’acquérir ce bien immobilier, qu’ils ont rénové peu à peu. S’ils ont pratiquement tout réalisé eux-mêmes du côté de l’habitation, ils ont décidé de faire appel aux services d’un architecte pour la grange, refaite en 2018.

Rénover sans dénaturer
Un seul mot d’ordre de la part des maîtres d’ouvrage: garder l’aspect grange afin de maintenir une forme d’harmonie au sein du quartier. Aussi ont-ils sollicité Laurent Bertschi, du bureau Envar, basé à Nyon (VD), également sensible à ces aspects patrimoniaux. «Ce sont des questions très actuelles: les vieux villages ayant de moins en moins d’activité paysanne, les propriétaires de ce type de bien ont deux options, soit les laisser se dégrader avec le temps, soit en retirer une plus-value en les transformant en habitation, relève l’architecte. Or en changeant l’affectation d’un bâtiment, rendre l’intervention discrète n’est pas toujours chose aisée: on peut vite en arriver à ne plus reconnaître ce qu’il y avait avant.»Mais rien de cela ici. Pour éviter de tailler des fenêtres, le bardage en bois existant de la grange a été tourné, afin de laisser passer ce qu’il faut de lumière. «Quelques planches ont dû être remplacées, mais la majorité sont d’origine: elles ont été brossées et nettoyées, puis reposées», explique l’architecte. Idem pour le mur accolé à la maison: conservé en bonne partie, il donne lieu à un magnifique bout de façade en vieux bois dans le salon. De quoi se rappeler la nature de la pièce voisine depuis le canapé.

«Une boîte dans la boîte»
De l’extérieur, le trompe-l’œil est réussi: on croit voir des interstices dans le bois, et sous le toit. «Il a fallu glisser une boîte dans la boîte», image Laurent Bertschi. C’est-à-dire que l’enveloppe extérieure n’a pas été touchée, et une autre, isolée, placée à l’intérieur. Derrière le bardage en bois se trouve une baie vitrée, qui laisse cette impression de vide. L’ancienne porte de la grange, par laquelle le fourrage entrait et sortait, est toujours accessible. «Nous pouvons l’ouvrir si nous souhaitons faire entrer plus de lumière, mais n’avons pratiquement jamais besoin de le faire, précise Mathieu Hugon-Duc.À l’intérieur, tout a aussi été pensé de manière à rendre hommage à l’ancienne affectation du bâtiment, notamment par le choix de matériaux bruts: murs et plafonds sont ainsi tapissés de bois de sapin suisse, et la cuisine, simple, est toute en inox. Et point de carrelage au sol. Il s’agit de la chape
de béton, sur laquelle des petites aspérités ont été créées à l’aide d’une boucharde, comme il était de coutume à l’époque. «C’était la manière de faire pour obtenir un sol antidérapant», précise Laurent Bertschi. Un rappel qui a également été reproduit avec un effet balayé sur la place de parc, devant l’entrée.Un autre défi pour ne pas dénaturer les lieux a été de s’adapter aux contours de la grange, irréguliers, à l’image d’un faux trapèze. «Comme dans le reste de la maison, il n’y a pratiquement pas d’angles droits. Cela a été un casse-tête au moment de meubler», indique le père de famille. Heureusement, Laurent Bertschi a trouvé cette table, qui reflète la forme de la pièce.» Des réflexions, parfois complexes, qui surgissent lorsque l’on prend le pari de rester, du mieux que l’on peut, fidèle à l’existant, plutôt que de le raser et de rebâtir.
Texte(s): Muriel Bornet
Photo(s): Michel Bonvin

L’architecte

Après des études en architecture et en sociologie, Laurent Bertschi a cofondé le bureau Envar, à Nyon (VD), avec l’architecte David Prudente, formé en sciences de l’environnement, urbanisme et géologie. Spécialisés dans une architecture durable, patrimoniale et à taille humaine, ils intègrent la culture locale à leurs réflexions, en répondant à l’évolution des modes de vie sociétaux.
+ d’infos www.envar.ch

En chiffres

  • XIXe siècle, la date de construction de la grange.
  • 2018, l’année de sa réhabilitation en partie d’habitation.
  • 30 m2 de surface pour cette unique pièce faisant office de foyer.
  • 4 m de hauteur sous le faîte du toit.
  • 1 famille de 4 personnes vivant dans cette maison particulière.