Reportage
Varier la couleur de l’éclairage des serres dope la croissance des plantes

Pour pousser de manière optimale, les légumes et les fleurs ont besoin de nutriments, d’eau et de lumière. Les LED, plus ou moins colorées selon le but recherché, font gentiment leur place dans les plantations.

Varier la couleur de l’éclairage des serres dope la croissance des plantes

C’est l’une des composantes essentielles à la vie sur Terre: la lumière. Au sein des serres, horticoles et maraîchères notamment, elle joue un rôle fondamental dans la croissance des plantes. À l’Université de Lausanne, par exemple, des centaines de spécimens poussent dans les locaux des Départements de biologie moléculaire végétale ainsi que d’écologie et évolution, servant d’objets de recherches pour les professeurs et leurs étudiants. Autant dire qu’aucun paramètre n’est laissé au hasard dans ces cultures particulières.

Au-dessus des plans de travail, des luminaires s’allument et s’éteignent automatiquement, entre 6 h et 22 h. Des sondes indiquent en temps réel la luminosité effective, l’ajustant lorsque le ciel se voile. «On utilisait jusque-là 360 lampes à sodium haute pression (HPS) de 400 watts pour éclairer nos six serres, explique Blaise Tissot, responsable de ces installations pour l’institution vaudoise. Depuis le passage aux LED en décembre, notre consommation énergétique a baissé de plus de 50%, mais l’avantage de ce type d’éclairage va au-delà de ce type des économies.»

Spectre sur mesure
La lumière diffusée semble blanche, froide. Mais à y regarder de plus près, des rangées de LED rouges parsèment 120 lampadaires high-tech de 600 watts chacun. La composition du spectre lumineux a été conçue sur mesure par l’entreprise vaudoise Futur of grow, fondée par Fabrizio Sciola il y a cinq ans. «Quand j’ai vu les défis liés à la lumière qu’impliquait la culture de cannabis thérapeutique, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire, indique celui qui fut électricien pendant vingt ans. J’ai donc commencé à concevoir des luminaires horticoles pouvant répondre aux besoins spécifiques des plantes.»Il a mis au point des prototypes, qui sont testés dans plusieurs serres d’entreprises ou de particuliers. «Mes clients me disent avoir amélioré leur rendement en fruits de l’ordre de 30% en moyenne», poursuit l’entrepreneur vaudois.

Taille et forme souhaitées
«En jouant avec le spectre lumineux, on peut avoir une influence sur la morphologie d’une plante et favoriser sa photosynthèse. Par exemple, en la forçant à rechercher la lumière, afin de pousser de façon plus étiolée. Ou au contraire, en la rendant plus compacte», continue Fabrizio Sciola (lire l’encadré). Les orchidées, les tomates ou encore le cannabis n’ont pas les mêmes besoins, notamment du point de vue de l’intensité du rayonnement nécessaire à une croissance ou une floraison idéale. «Il est possible de régler la puissance des lampadaires en quelques clics afin de combler un manque ponctuel de lumière et ce par secteur, commente Fabrizio Sciola. Les LED permettent également d’augmenter substantiellement le taux de sucre, de terpènes et autres principes actifs des végétaux jusqu’à 70%, grâce à un éclairage précis.»

 

 

LED ou plasma?
Les résultats de ce type d’éclairage sont visibles à l’œil nu. «La floraison des Arabidopsis thaliana, l’espèce que l’on utilise le plus pour nos recherches, est plus rapide de 10 à 20%, renchérit Blaise Tissot, qui n’a pour l’heure pas étudié scientifiquement ce fait. J’ai aussi l’impression que nos végétaux sont soumis à moins de stress. Ils sont plus verts et ont visiblement l’air d’être en bonne santé.» Certains producteurs de CBD ont également vu leurs plants fleurir une semaine plus vite après avoir ajusté la luminosité.

D’autres tests sont menés dans plusieurs serres en Suisse romande, afin de mesurer les effets de lampes à plasma cette fois, notamment leur influence sur la qualité des fruits. «Les lampes à plasma ont un spectre chromatique continu, similaire à celui du soleil dont les rayons sont d’ordinaire bloqués par le verre des serres. Ces luminaires, en diffusant des UVA et B notamment, pourraient servir à faire pousser des plantes avec de meilleures propriétés nutritionnelles, relève Laurent Calame de l’entreprise Lumartix, davantage convaincu par cette technologie que par les LED. Nous cherchons aujourd’hui à le prouver, étant persuadés que l’éclairage peut jouer un rôle clé dans la production alimentaire.»

Les recherches dans ce domaine ne font que commencer, car les enjeux sont grands. La liste des ampoules, néons et autres lampes qui seront bientôt retirés du marché pour des raisons de composition ou de consommation énergétique ne cesse de s’allonger, indique l’Associ

ation suisse pour l’éclairage, ce qui laisse de fait de la place pour des solutions alternatives.

+ d’infos www.thefuturofgrow.com; www.lumartix.com; www.slg.ch

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Olivier Vogelsang

Des teintes aux effets multiples

Le rayonnement du soleil, composé d’ondes électromagnétiques, est perçu par le cerveau comme étant blanc, alors qu’il est en réalité constitué de plusieurs couleurs. Celles-ci deviennent visibles lorsque des gouttes d’eau suspendues dans l’atmosphère en séparent les différentes longueurs d’onde: c’est ainsi qu’un arc-en-ciel apparaît. On se rend dès lors compte qu’il existe un spectre continu, allant du rouge au violet, en passant par l’orange, le jaune, le vert, le turquoise et le bleu. Ces teintes ont des effets sur les végétaux. Le rouge favorise par exemple la floraison; des études montrent qu’il augmente aussi la teneur en lycopène et bêta-carotène des tomates. Le bleu, associé au stade végétatif, dope la croissance des feuilles, des tiges et améliorerait même leur taux de vitamine C. Le jaune permet, quant à lui, un développement rapide des orchidées.

+ d’infos www.energie-environnement.ch

Du rose pour les salades

De grands acteurs du marché ont équipé leurs serres avec des luminaires de couleur. C’est notamment le cas de l’entreprise nord-vaudoise Stoll, constamment en recherche d’innovations culturales. Depuis quelques mois, elle diffuse de la lumière rose dans certaines de ses installations, afin d’améliorer la croissance de ses salades. Un changement de méthode qui colore parfois aussi le ciel, à tel point que des habitants se sont demandé s’il y avait eu des aurores boréales fuchsia visibles loin à la ronde. «Cette teinte améliore la photosynthèse», explique Roland Stoll.