Décryptage
Vente directe: comment calculer au plus juste le prix des produits

Gérer une ferme, c’est également aller au-devant de nombreux défis financiers. Cette année, Terre&Nature a décidé d’aborder une série de questions en lien avec cette thématique.

Vente directe: comment calculer au plus juste le prix des produits

Des pommes à 3 fr. le kilo par ici. À 3 fr.20 par là. À 2 fr.40 plus loin. En matière de prix, difficile de trouver une ligne générale sur les marchés et auprès des magasins à la ferme. D’autant que de très nombreux facteurs interviennent, notamment météo, s’agissant par exemple des cultures fruitières ou maraîchères. L’équation se complique encore lorsqu’il s’agit de présenter sur les étals des produits transformés, entre investissement pour l’achat de machines, coût de production ou d’achat de la matière première, conditionnement, pertes…

Afin d’aider les producteurs à déterminer leurs prix, l’Union suisse des paysans publie une tabelle indicative pour la vente directe. Un tour sur les marchés romands suffit à s’apercevoir que les montants sont indicatifs et que les agriculteurs ont, dans l’ensemble, tendance à proposer des tarifs inférieurs. Faut-il s’aligner sur son voisin? Sur la grande distribution? Cheffe du Département exploitation, famille et diversification auprès de la centrale de vulgarisation agricole Agridea, Andrea Bory recommande au contraire de «fixer ses prix de manière honnête, en tenant compte de tous les frais. Si vous faites de l’élevage de lapins fermiers, il y a l’achat des clapiers, la nourriture, les frais vétérinaires, de transport jusque chez le boucher, si vous ne faites pas boucherie vous-même.»

 

S’interroger sans cesse
Garder un œil sur les prix des autres agriculteurs reste toutefois capital. «Cela aide à analyser sa production. Si je suis plus cher, pourquoi? Est-ce qu’un label ou le recours à un ingrédient particulier plus onéreux le justifie? Sinon, il faut se demander comment on peut améliorer son processus pour qu’il soit plus rentable.» Andrea Bory invite aussi à s’intéresser à l’assortiment des grands distributeurs. «Si je propose un produit très similaire, pourquoi est-ce que le client viendrait chez moi plutôt que dans une grande surface, où il a tout sous la main? Il est primordial de trouver des moyens de se démarquer.»

La présence des agriculteurs sur les marchés illustre bien la difficulté que ceux-ci ont à prendre en considération tous les frais induits. «On ne compte pas nos heures», entend-on régulièrement derrière les étals. «C’est un peu triste, je trouve, réagit Andrea Bory. Arriver à assurer toute la chaîne jusqu’à la vente directe est un travail de titan. C’est particulièrement vrai pour l’élevage où l’on travaille presque 24 h sur 24. Il est normal d’en tenir compte et d’établir un prix de vente correct. Le revenu agricole doit couvrir tous les frais du ménage et pas uniquement les coûts de production.» La pandémie de Covid a eu un effet positif: elle a permis de rapprocher les consommateurs des producteurs. «Nombre d’entre eux se sont lancés dans la vente en ligne. Mais là encore, il ne faut pas oublier les coûts que cela implique: créer un site et le tenir à jour n’est pas gratuit. Promouvoir ses produits afin de les faire connaître non plus.»

Les aspects administratifs prenant une importance croissante dans la profession, ceux-ci pèsent également sur le bas de laine des paysans. Outre les heures de travail passées au bureau, la responsable d’Agridea rappelle qu’il ne faut pas omettre tous les autocontrôles qui doivent être pratiqués, notamment en matière d’hygiène. «Et quand vous devez envoyer des échantillons aux services cantonaux pour les faire analyser, cela a aussi un coût.» Afin d’aider les professionnels à tenir compte de cette myriade de frais pas forcément visibles, Agridea propose sur son site des formulaires qui permettent de calculer au plus juste le prix de vente d’un produit.

Texte(s): David Genillard
Photo(s): Illustration Marcel G.