Reportage
Visite d’un paradis végétal aux mille couleurs

À Montricher (VD), Claire et Benoît Girardin cultivent des dizaines de variétés de tulipes et de pivoines parmi d’autres plantes spectaculaires, une multitude de fruitiers et quelques grands arbres centenaires.

Visite d’un paradis végétal aux mille couleurs

L’endroit est un subtil mélange de nature sauvage et de jardin savamment chorégraphié. Déformation professionnelle, peut-être, de Claire Girardin-Falcy, la propriétaire des lieux, qui fut pendant dix ans photographe de spectacle. Car le paradis de verdure que cette octogénaire et son époux Benoît ont créé tient véritablement du ballet végétal. Côté cour, la devanture de la maison familiale est recouverte d’une glycine spectaculaire, une espèce qui grimpe aussi sur une arche côté jardin. Dans ce vaste espace situé au cœur du village de Montricher (VD), arbres fruitiers et plantes ornementales sont agencés de manière à offrir une floraison permanente durant toute la belle saison.

«Au fond, face au Jura, nous avons installé une haie fruitière. Là, vous voyez un cornouiller, petit arbuste qui se réveille le premier au printemps et qui donne des baies rouge-orange de la taille d’une olive avec lesquelles je fais de la très bonne gelée», confie Benoît Girardin. On y trouve également un sorbier, des raisinets, un noisetier, un figuier, un amélanchier et des pommiers, dont un spécimen de la variété ancienne ‘Marisa’, aux fruits à la chair rouge prisés jadis pour les tartes, et un autre plus commun qui sert chaque automne à la réalisation de purées et parfois de friandises aux chevaux broutant de l’autre côté de la barrière.

Tulipes en fête
Le couple a emménagé dans cette belle maison campagnarde après avoir vécu dans plusieurs pays du monde en raison de la carrière professionnelle de Benoît Girardin. «À notre retour de Yaoundé, au Cameroun, nous ne supportions plus le bruit dans notre appartement de Genève. Je venais d’être engagé au Département fédéral des affaires étrangères, à Berne, et mon épouse et moi nous retrouvions à mi-chemin les week-ends. Les parents de Claire possédaient un petit chalet à Mont-la-Ville, non loin d’ici. Nous sommes tombés sous le charme du village de Montricher et avons choisi de nous établir dans cette ancienne pension pour enfants bâtie vers 1870», raconte Benoît Girardin.

La maison possède un jardin déjà spacieux que le couple développe au fil du temps, avant de l’agrandir un peu plus encore il y a huit ans en rachetant une parcelle à leur voisin. Au centre, Claire et Benoît Girardin ont installé une butte où poussent diverses espèces ornementales disposées en étages, dont une multitude de rosiers. Mais les véritables stars des lieux, ce sont les tulipes. Une passion pour ce couple de retraités, qui travaille depuis sept ans à la Fête de la tulipe, à Morges (VD). «En tant que bénévoles, nous avons droit à des sacs de bulbes chaque printemps, ce qui explique la présence en très grand nombre de ces fleurs dans notre jardin», racontent-ils.

Le message du noyer
Une rangée de pivoines encore fermées en ce début mai maussade s’apprêtent à éclore de mille feux. Et une fois de plus, tout a été pensé pour que le spectacle soit total. «Les pivoines ont une floraison éphémère, mais en échelonnant les variétés, l’explosion de couleurs dure deux mois», raconte Claire Girardin-Falcy, qui affectionne ces plantes depuis toujours. Elle nous montre quelques spécimens rapportés de Roumanie, où le couple a également vécu. «Là-bas, on les appelle bujor. C’est d’ailleurs le seul mot roumain dont je me souvienne.» Un baobab sculpté trône un peu plus loin, souvenir ramené par conteneur de leurs années malgaches. Les roses, elles, ont été privilégiées après leur long séjour au Pakistan. L’autre partie du jardin est peuplée de grands végétaux. Si le ginkgo se pare l’automne de ses feuilles aux formes et aux couleurs dorées spectaculaires, l’arbre de Judée brille au printemps de mille pétales rose vif. «Il a eu beaucoup de peine à faire sa place. On l’a cru mort et il est reparti de manière inattendue. On remarque surtout ses fleurs, mais ses feuilles épaisses en forme de cœur sont également magnifiques», précisent les deux jardiniers. Il y a aussi un pommier des moissons, dont les fruits se dégustent directement sur l’arbre, et un autre issu d’une bouture provenant du verger du grand-père de Claire Girardin-Falcy, à Vallorbe. «C’est une variété ancienne et rare qu’on appelait ‘Pommes de Russille’. J’ignore le nom exact, mais je trouve fantastique de pouvoir admirer ce fruitier de mon enfance.»

Au fond, ombrageant la terrasse, un immense érable veille sur les lieux aux côtés d’un sapin, d’un tremble, d’un tilleul et d’un noyer qui résiste au temps malgré son âge canonique. «Cela fait vingt ans qu’on l’imagine vivre sa dernière saison et il nous donne toujours des noix. Comme nous le pensions condamné, nous avons planté ce chêne américain juste à côté. Mais l’une des branches du noyer s’est mise à pousser en direction de ce nouveau voisin, comme pour lui signifier: tu es chez moi ici. Il paraît que les arbres communiquent entre eux, cela semble se vérifier», lâche Benoît Girardin dans un sourire.

+ d’infos Dans le cadre de la manifestation Bienvenue au jardin, qui commence le 13 mai, les Girardin font visiter leur parcelle. Contact et liste des participants sur www.florens.ch

Texte(s): Aurélie Jaquet
Photo(s): François Wavre/ Lundi13

Les jardiniers

Après un doctorat en théologie philosophique, Benoît Girardin a enseigné à Yaoundé puis travaillé pour la Coopération au développement dans un bidonville de Douala (Cameroun), au Pakistan, en Roumanie et a terminé sa carrière comme ambassadeur à Madagascar. Claire Girardin-Falcy a quant à elle travaillé pendant dix ans comme photographe au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles (Belgique).

En chiffres

  • 3600 m2, la surface du jardin des Girardin.
  • 730 m, l’altitude de leur parcelle.
  • Un jour et demi d’entretien hebdomadaire, le temps que les Girardin consacrent à leur lopin de terre, aidés l’été par un professionnel.
  • Plusieurs dizaines de variétés de tulipes et de pivoines ont été plantées.
  • 1870, l’année de plantation d’un poirier qui est encore généreux en fruits.